« La Première Marche »
par CyberFred
Épisode 10 – Où est Manami ?
Kyosuke… C’était Kyosuke que Manami regardait fixement, tandis que tout le monde, à savoir Kurumi, Takashi, Kazuya, Akane et Madoka, s’interrogeaient sur la surprise qui marquait son visage.
– Je n’arrive pas à y croire ! fit Manami. Grand-frère !...
Elle s’avança vers lui et… l’enlassa de ses bras.
Kyosuke sentit que la situation devenait invraisemblable.
– Comment est-ce possible ?... fit encore Manami. Quel est ce miracle ?
– Mais… mais… mais… !
Kazuya tenta encore une fois de lire dans l’esprit de Manami.
– Je ne peux lire dans ses pensées, confirma-t-il encore.
– Tu es sûr de toi ? fit Akane.
– Oui, grande-sœur. C’est anormal.
Kyosuke reprit ses esprits et regarda Manami droit dans les yeux.
– Écoute, Manami, je ne suis pas le Kyosuke que tu as connu.
Manami eut un moment d’arrêt. Elle ne voulut pas entendre cela. Pour elle, cela faisait tellement longtemps que son grand-frère avait disparu. À ce propos…
– Kyosuke ! fit-elle. Hikaru ! Est-ce que Hikaru est là aussi ?...
Tout le monde dans la pièce fut étonné. Kyosuke reprit les choses en mains. Il reposa ses mains sur les épaules de Manami. Il avait compris ce qui se passait. Car il l’avait lui-même vécu cela autrefois. En effet, il y a quelques années, Kyosuke était passé dans une autre dimension parallèle à la sienne, et avait rencontré une Madoka bien différente de celle qu’il connaissait. Dans cette dimension, Hikaru n’existait pas. Il était ensuite revenu dans son monde par un coup de chance [Volume 8, NDLR].
– Manami, écoute-moi. Là où tu es, ce n’est pas ta réalité. Tu es ici dans un autre univers.
– Quoi ?!...
« Un autre univers ? »… Madoka comprit alors la raison du changement de personnalité et de vêtement de Manami.
– Voilà pourquoi je ne pouvais lire dans ses pensées, commenta Kazuya. C’est parce qu’elle est d’une fréquence vibratoire différente de la nôtre.
Inquiète par tous ces commentaires prononcés, Manami commença à penser qu’elle était vraiment passée dans une réalité autre. Malgré la connaissance de ses pouvoirs, elle n’aurait jamais crû que ces choses pouvaient exister.
Reportant son attention, sur Kyosuke, elle croisa par hasard le regard de la femme qui était à demi cachée derrière lui.
– C’est Ayukawa !!... hurla-t-elle soudainement. Elle… Elle est dangereuse !!...
Madoka fronça les sourcils, serra les poings, prête à en découdre une fois de plus.
– Arrête, Manami ! insista Kyosuke, en la retenant par les épaules, et usant légèrement de son pouvoir de télékinésie pour lui éviter tout geste trop brusque. Ce n’est pas la Ayukawa que tu connais. Ici, elle est mon amie. Elle est l’amie de tous.
Manami regarda alors Kyosuke d’un air complètement incrédule.
– Mais, ce n’est pas possible ?! Comment peux-tu être avec elle ?... Kyosuke, c’est elle qui a été la cause de ta disparition !...
Madoka haussa des sourcils de stupeur, tous les autres firent de même.
– Mais Manami… c’est impossible !? demanda Kurumi.
– J’ai appris récemment que c’était elle qui était à l’origine de ce qu’il s’était passé ! insista Manami. Enfin, concernant ton alter-ego de mon univers…
– Comment ? s’exclama Kyosuke.
– Non seulement mon frère a disparu, mais aussi Hikaru ! ajouta encore Manami tel un couperet implacable.
– Mais comment cela, ils ont disparu ? demanda Takashi. Tu veux dire qu’ils sont morts ?...
Pour Madoka, c’en était trop… Son esprit s’embrasa. Elle serra les dents pour contenir sa rage. Jamais de telles pensées aussi négatives n’avaient envahi aussi intensément ses sens. Peu importe ce qui allait arriver, pouvoir manifesté ou non, elle avança prestement vers Manami, et lui prit le col de sa veste en cuir.
– Comment oses-tu ! hurla-t-elle. Comment oses-tu dire que j’aie été responsable de la disparition de deux des êtres qui me sont les plus chers ?... D’où viens-tu ?... Qu’as-tu fait de notre Manami ?...
Une perle de sueur coulant le long de la joue, regardant tout le monde et voyant bien que Kurumi, Takashi, Kazuya et Akane ici présents étaient très différents de ceux qu’elle côtoyait dans son propre univers, Manami n’en sous-estima pas le pouvoir qu’ils avaient en eux. Elle savait que son cousin Kazuya, apparemment du côté de cette Ayukawa, pouvait user du don de contre-pouvoir contre elle. Elle reporta son regard sur celui de Madoka.
– « Votre » Manami ?... lui dit-elle d’un ton plus calme. Il est vrai que j’ai été surprise quand j’ai pénétré par téléportation dans cette chambre. Car tout a subitement changé à l’intérieur. Mais je n’ai pas vu de Manami. Pourquoi mentirais-je ?... Kyosuke et Hikaru sont aussi pour moi des êtres chers, comme ils le sont pour toi, Ayukawa. Cela fait deux ans que je pleure leur absence. J’ai enquêté longtemps. J’ai transformé ma vie paisible en une existence de chasseresse, pour le jour où je retrouverai les responsables de ceux qui m’ont fait perdre mon frère et de cette sœur à mon cœur qu’était Hikaru. Ils étaient tous les deux dans mon cœur ! Et je te regarde… Je regarde à présent le visage de celle qui est responsable de tout cela ! Même si je sais que ce n’est pas toi !
Madoka dût se torturer l’esprit pour ne pas elle-même perdre pied entre sa propre réalité et les univers parallèles. C’était si nouveau pour elle. Elle devait s’accrocher et avancer avec. Cette Manami, qu’elle regardait dans les yeux, a été métamorphosée par des drames affreux qui se sont déroulés dans son propre univers. Madoka avait l’air de se regarder elle-même, comme dans un miroir… Autrefois, bien avant de retrouver Kyosuke en haut des marches du grand escalier, elle eut cette existence solitaire et brutale où une certaine rage l’avait menée vers ce qu’elle fut alors : crainte et respectée. Car son vrai but n’était pas de rechercher un ou plusieurs êtres chers qui avait disparus, mais de retrouver une famille, des parents qui ne revenaient pas de leurs interminables voyages à l’étranger, et d’éviter de perdre une grande-sœur qui allait partir de la maison pour vivre avec son futur mari. Il y avait également en elle le retour promis d’un garçon mystérieux rencontré autrefois et qui lui avait sauvé la vie. Mais ce retour était loin encore. D’ici-là, il fallait survivre seule. Le départ d’un proche est une perte immense. Le retour encore lointain d’un être cher l’était tout autant. Devant cette inexorabilité, il fallait se renforcer, aussi bien physiquement que mentalement. Le milieu scolaire, trop centré sur ses propres codes, n’allait certainement pas lui apporter l’aide et la force d’endurer tout cela. Ainsi, Madoka posa-t-elle le pied dans « un autre univers », celui, plus sombre, de ceux qui animaient les nuits de leur présence active dans les quartiers paisibles. Ce nouveau sentiment d’exister, avec les rencontres au sein de cet univers sombre, compensait celui de ne plus l’être avec ceux qui étaient absents.
Alors, Madoka relâcha tout. Elle lâcha prise. Autour d’elle, elle avait sa propre « lumière » qui bannissait en elle ses propres noirceurs. Il y avait ceux qui lui faisaient confiance, et qui la voyait comme digne de confiance. Il y avait Kyosuke, qui faisait désormais partie de sa vie. Il fallait « sortir du miroir » que lui renvoyait cette Manami issue d’un autre univers, et qui a été assombrie par la vie, perdue par l’idée d’une vengeance recherchée. Malgré les sombres événements qui venaient d’être évoqués autour de Kyosuke et de Hikaru, Madoka se jura qu’elle ne serait pas symbole de colères et de rages enfouies, car tout cela s’était dilué dans son propre passé. Madoka était entourée de gens capable de tout, même de transcender la mort s’il le fallait. Elle l’avait elle-même vécu, car le voyage qu’avait accompli Kyosuke dans son propre passé lui avait permis d’avoir la vie sauve. Il ne fallait donc pas se limiter qu’à elle. Il fallait dépasser tout cela.
Kyosuke remarqua un soudain changement d’humeur dont Madoka faisait montre. Il avait eu plusieurs fois l’occasion de constater une telle chose chez elle. Sur le moment, elle pouvait parfaitement se montrer maussade, puis aimable quelques instants après.
Mais là, ce à quoi il assista maintenant dépassa son propre entendement. Jamais il n’avait vu Madoka se comporter comme cela en cet instant précis.
Tout le monde en fut totalement surpris, y compris Manami.
Madoka enlaça délicatement Manami dans ses bras et pleura pour accompagner sa peine, tout en lui prononçant ces mots chargés de promesse :
– Je t’aiderai…
Mais la raison des larmes de Madoka resterait son plus grand secret. Le secret d’avoir voulu tout garder en elle durant si longtemps, et qu’elle exprima à travers une promesse de vie :
– Je t’aiderai à retrouver ceux que tu aimes.
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