Les "grands esprits" se rencontrent. Je m'étais justement dit, après avoir écouté l'excellent podcast de Kody, que cela vaudrait le coup de créer un fil sur cette seule question!
Tout ce qu'a écrit Kody sur la nostalgie et ce que tu as écrit Punch sur l'adolescence idéalisée me semblent tout à fait juste. Et pourtant, je ne sais pas trop comment l'exprimer, je pense que c'est tout cela... et autre chose à la fois.
Je ne suis pas réellement nostalgique de ma vraie adolescence : je n'étais globalement pas très heureux, j'ai subi du harcèlement, j'ai eu des périodes scolaires moralement très dures, comme plein d'adolescents. Mais voilà, la seule chose qui trouve réellement grâce à mes yeux à cette époque-là, c'est KOR.
Bien avant d'en être nostalgique, KOR est l'une des rares séries dont j'ai littéralement pleuré la fin pendant plusieurs jours. Non pas parce que la fin de la série était triste (elle était belle, et frustrante aussi parce que la série animée laisse plusieurs questions en suspens), mais juste parce que... c'était fini. J'avais juste l'impression que l'on m'arrachait l'une des plus belles choses qui m'était arrivée dans la vie.
Je l'ai écrit dans mon témoignage, le demi-épisode 46 était le seul souvenir qui me restait de KOR sur une VHS (bien avant les DVD ou Internet) : je l'ai regardé chaque mercredi après-midi à mon retour du lycée, quand j'étais seul à la maison, et alors que le seul fait de vivre ma vie me semblait insurmontable. Et j'avais ce sentiment que c'était là le VRAI bonheur. Qu'il y avait comme un bug dans le tissu de la Réalité (comme dans Matrix!) et que le vrai bonheur, la vraie vie, était là, dans KOR. Que FONDAMENTALEMENT, KOR me mettait en contact avec la Réalité telle qu'elle devrait être, mais que quelque chose avait mer**é et que notre réalité "n'était pas la bonne".
Ce n'est pas juste de la nostalgie du passé. C'est de la nostalgie pour quelque chose qui n'a jamais été mais qui "devrait être". C'est ma profession de foi, comme pour un croyant. Un croyant te dira que si Dieu n'existe pas, alors la vie n'a pas vraiment de sens : et sans forcément penser à mettre fin à ces jours, il te dira que ça n'a pas trop de sens de continuer à la vivre.
Pour ma part et pour paraphraser Coluche, je dirais : "Vous connaissez la différence entre Dieu et KOR ? Et bien c'est que KOR, c'est vrai." Quand j'imagine le "but ultime" de ma vie, je me dis que c'est forcément en lien avec KOR.
Attention, cet idéal ne consiste pas juste dans le fait de regarder la série 243 fois : ce n'est qu'une série animée et je la connais par cœur.
Non, c'est "actualiser" KOR, ou plutôt "l'esprit de KOR" dans ma propre vie : au travers de mes relations, de mes actions, de la manière dont je conduis ma vie, de ma créativité inconstante (voir le thread "les projets avortés de FrozenOwl"). Je me vois créer un manga, voire une série animée "KOR-like". Et même si je ne crois pas vraiment à la vie après la mort, je me dis que la seule surprise qui ne me décevrait pas après cette existence-ci, ce serait de vivre un Eternel Eté.
Est-ce de la "folie", une maladie mentale ou une immaturité psychologique que de voir sa foi ainsi raccrochée à une œuvre de fiction adolescente? Peut-être. Probablement. Mais après tout, des philosophes bien plus brillants que moi ce sont posés au XXème siècle les mêmes questions sur la foi en Dieu.
Dit comme cela, cela a effectivement un caractère un peu absurde : comment imaginer un seul instant que la Réalité fondamentale ait un quelconque lien avec un dessin animé? Ce qui est certain, c'est que hormis sur ce forum, on ne va pas beaucoup s'étendre sur le sujet parce qu'on paraîtra un peu fêlé et on sera largement incompris...
Mais voilà : j'ai un excellent et très vieil ami avec qui j'ai souvent discuté de cela et qui a exactement la même conviction. Sauf que pour lui, c'est Saint Seiya. Et de la même manière, il essaye d'actualiser la réalité, l'esprit de Saint Seiya (le courage, la défense d'un Idéal, le Cosmos) dans sa propre vie. Il y arrive d'ailleurs remarquablement bien par son métier, ses actions et ses convictions et sans rester pour autant "figé" sur l’œuvre elle-même. Nous ne sommes pas destinés à vivre dans une nostalgie éternelle, mais à aller de l'avant en bâtissant notre vie sur les piliers fondamentaux de notre vie. Pour moi, KOR est l'un de ces piliers.
J'en suis donc venu à penser que cette conviction qui nous est propre que telle ou telle œuvre est "spéciale", est l'expression toute personnelle de notre transcendance : c'est ce qui nous rend humain, c'est ce qui a créé la foi en Dieu au fil des siècles.
Nous avons chacun une intériorité et nous pouvons sans raison être "appelés" par une œuvre qui résonne particulièrement avec cette intériorité.
Pour moi (et probablement pour nous tous sur ce forum), c'est KOR.
Pourquoi KOR et pourquoi pour nous spécialement?
Qu'est-ce que nous avons en commun dans notre psychisme profond qui font que nous nous rassemblons autour de cette oeuvre et pas d'une autre?
On en revient à la question du début à laquelle j'aurai tenté de répondre sans y répondre!