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CyberFred

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Dans le sujet : Les travaux de CyberFred

aujourd'hui, 18h39

« La Première Marche »

par CyberFred

 

Épisode 26 – Elle

 

 

Madoka et Kenji arrivèrent bien avant l’heure butoir à l’entrepôt 6 du quartier portuaire de Yokohama, désigné par la mystérieuse femme dont ils ne connaissaient toujours pas le nom. Aucun garde ou vigile en vue. Les deux jeunes gens coupèrent les moteurs, descendirent de leur moto, et laissèrent leurs casques accrochés aux guidons.

Tous deux contemplèrent l’édifice imposant et sombre qui se dressait devant eux, telle une forteresse dissimulant des secrets inavouables. Aucun éclat lunaire ne vint illuminer cet endroit.

– Si j’avais su que le lieu du rendez-vous était aussi proche de chez toi, Ayukawa… commença Kenji.

– Chut ! coupa la jeune femme, intriguée par le silence pesant qui régnait étrangement en ces lieux.

– Quoi ?...

– Ce silence ne me dit rien qui vaille.

– Bien sûr qu’il s’agit d’un piège, répondit le jeune homme avec assurance. Pas de gardes visibles à l’extérieur, donc... ils nous attendent tous à l’intérieur.

Madoka sentit que Kenji avait probablement raison, mais cela lui importait peu. La vie de personnes chères comme Kyosuke, et même d’Hikaru (bien que celle-ci n’était pas de son propre univers), était bien plus précieuse à ses yeux.

Avec une démarche gracieuse et prudente, Madoka s’avança vers la seule entrée possible de ces lieux : une porte métallique non verrouillée. En revanche, la grande porte coulissante du hangar, disposée juste à côté, était hermétiquement fermée, certainement à dessein. Le faible éclairage extérieur qui avait aidé les deux jeunes gens à s’approcher rapidement du bâtiment ne permettait pas de voir à l’intérieur. Tout était plongé dans une obscurité totale. Kenji se reprocha de ne pas avoir emporté une torche électrique avec lui. Madoka, de son côté, supposa que le contrôle des lumières n’était pas accessible depuis la porte par laquelle ils devaient entrer. Une précaution bien pensée de la part de ceux qui les attendaient.

Madoka et Kenji échangèrent un regard complice avant de pénétrer à l’intérieur. L’unique entrée les conduisit directement à une vaste salle plongée dans l’obscurité totale, ou presque : un mince filet de lumière parvenait tout juste de l’extérieur, ne présentant devant eux que le sol cimenté qui guidait leurs pas. Ils progressèrent prudemment, en faisant résonner le béton froid sous leurs semelles. Lorsqu’ils atteignirent le centre de la pièce, la porte d’entrée par laquelle les deux jeunes gens étaient arrivés se referma brusquement derrière eux. Une lumière éclatante inonda soudainement tout l’espace, les aveuglant momentanément.

Surpris, Kenji et Madoka essayèrent de s’adapter un instant à la luminosité. Une douzaine de motos surgit de l’obscurité, leurs moteurs rugissant soudainement. Les pilotes, casqués et arborant des visières opaques dissimulant leurs regards, étaient tous vêtus de combinaisons blanches. En un instant, ils formèrent un large cercle en mouvement autour de Madoka et Kenji, bloquant toute issue. Retrouvant une vision normale, les deux jeunes gens se placèrent dos à dos, scrutant chacun une portion du cercle formé par leurs adversaires.

– Visiblement, je m’étais trompée, admit Madoka, en position de garde. Cette fille n’était pas seule.

– Je ne distingue aucune fille parmi eux, rétorqua Kenji.

– Leur cheffe nous envoie d’abord ses sbires, murmura Madoka, ses yeux plissés de détermination.

Regrettant d’avoir laissé leur moto à l’extérieur, Madoka et le frère d’Hikaru se préparèrent à l’affrontement. Kenji, expert en coups de pieds grâce à son jeu de jambes, se mit en position pour l’assaut. Madoka, quant à elle, extirpa quelques médiators des petits compartiments spéciaux de sa combinaison et les plaça délicatement entre ses doigts. Elle avait bien raison d’avoir enfilé l’uniforme souple de son alter-ego. Ce vêtement facilitait grandement le transport de ses armes de prédilection. Le toucher des médiators, légers mais redoutables, plongea Madoka dans des souvenirs d’autrefois qu’elle avait tenté d’oublier. Elle pensa également à Kyosuke, qui, en cet instant précis, incarnait sa force et sa détermination.

– Prête ? lui demanda Kenji, son regard fixé sur les motards.

– Prête ! répondit Madoka, un léger sourire audacieux se dessinant sur ses lèvres, comme en résonance avec ce passé lointain qui redevenait ici tangible.

Un premier motard quitta la formation et attaqua, fonçant droit sur eux, visant plus précisément Kenji. Celui-ci esquiva habilement et, d’un coup de pied rapide dans le dos du conducteur, désarçonna ce dernier qui s’effondra lourdement sur le sol cimenté. Madoka, elle, n’attendit pas d’être attaquée. Elle bondit en avant, lançant ses médiators avec une précision dévastatrice. Deux motards, prêts à fondre sur elle, tombèrent lourdement, incapables de contrer les petites lames se fichant douloureusement dans les fragiles cartilages de leurs mains, seuls moyens de tenir leur guidon. Les visages des assaillants, protégés par des casques assortis à leurs combinaisons, présentaient un obstacle épais que Madoka avait du mal pour le moment à percer avec ses médiators.

Le combat faisait rage dans la grande salle. Le cercle était rompu. Kenji semblait danser avec son jeu de jambes, chaque mouvement fluide et presque mortel. Madoka, telle une acrobate, utilisait son agilité pour éviter les attaques et riposter avec férocité. Les motos vrombissaient autour d’eux sans relâche, mais aucune ne parvenait à les toucher. Les motards tombaient comme des mouches devant la dextérité de Madoka et Kenji. Ce dernier désarçonna un assaillant d’un puissant coup de pied à la gorge, exploitant ce point sensible avec précision.

– Je te retrouve enfin, Ayukawa ! lança-t-il à celle qu’il pensait toujours être son amie. Tu es toujours aussi redoutable. Comme au bon vieux temps !

– Je ne veux pas revenir à ce jour ! rétorqua-t-elle mystérieusement, tandis qu’elle mettait à terre un motard récalcitrant, d’un genou vigoureux venant s’écraser contre un médiator déjà planté sur son casque. Celui-ci s’entrouvrit, révélant le visage d’un homme déjà inconscient avant même de toucher terre.

Les sbires de la mystérieuse jeune femme inconnue contre-attaquèrent avec encore plus de vigueur. Kenji fendait l’air, esquivant habilement les assauts, tandis que Madoka lançait ses médiators avec une précision dévastatrice. Revivant des habitudes qu’elle avait laissées derrière elle, et avantageusement vêtue de sa sombre tenue de combat sur mesure, Madoka virevoltait, ses mouvements aussi fluides que le vent, ses médiators comme des éclairs, perçant mains, jambes et bras, faisant tomber les motos une à une, leurs pilotes neutralisés par la force combinée de Madoka et Kenji. La jeune femme comprit alors comment la bande de Kenji et la Madoka de cet univers avaient réussi à dominer ce territoire.

Kenji s’empara d’une moto abandonnée et commença à se frayer un passage à travers un essaim de motards cherchant à lui barrer la route. En pleine lancée, il plaça ses deux pieds sur le siège, jambes repliées, et profitant de l’élan de la vitesse, plongea sur le groupe. Sa moto percuta la première, explosa en flammes, déclenchant une réaction en chaîne apocalyptique dans les rangs adverses. Kenji, comme mu par une force invisible, survola ses ennemis et retomba sur ses pieds, derrière toute la meute de machines qui s’effondrèrent dans un fracas de métal et d’os craquant sur le sol dur.

Kenji, tout fier de son petit exploit, se tourna alors vers Madoka, et lui cria subitement :

– Attention derrière toi !

La jeune femme, momentanément distraite par le vacarme des explosions des machines et les cris des hommes s’écrasant contre les murs en brique du hangar, se retourna juste à temps pour esquiver une dernière moto fonçant droit sur elle. Le conducteur, brandissant une grosse matraque hérissée de piques, avait failli égratigner son visage. Avec une colère maîtrisée, elle lança un médiator avec une précision implacable, touchant le moteur de l’engin, qui explosa, projetant violemment le pilote contre le mur dans un fracas assourdissant.

En quelques minutes, le sol du hangar était jonché de motos renversées ou détruites, et de pilotes inconscients ou gémissants. Essoufflés mais victorieux, Kenji et Madoka tournèrent la tête vers la porte menant à la pièce suivante, la grande porte coulissante attenante étant toujours verrouillée à dessein.

– Un autre groupe de motos nous attendrait-il de l’autre côté ? se demanda Kenji.

– Nous allons très vite le savoir, répondit Madoka en s’avançant déjà.

Il fallait délivrer Hikaru et Kyosuke sans plus attendre. Madoka passa la première le seuil de la porte. Le combat précédent l’avait privée de la moitié de ses médiators. Si un autre groupe tout aussi redoutable les attendait, elle serait à court de ressources pour affronter la mystérieuse jeune fille au final.

En pénétrant dans le nouveau hangar, le décor changea. La lumière inondait déjà l’espace entier. Cette section de l’entrepôt s’étendait sur bien deux cents mètres de longueur et cent cinquante de large, avec un plafond étonnamment haut. Des dizaines de monticules de sable industriel étaient éparpillés çà et là, obstruant leur vue d’ensemble, les empêchant de distinguer clairement le fond de ce grand dépôt industriel.

Marchant avec précaution sur le ciment uniquement, entre ces petites collines de sable, Madoka et Kenji progressèrent vers le fond de ce grand espace formant cet endroit choisi à dessein par l’adversaire.

Soudain, ils s’arrêtèrent net, leurs regards rivés sur une silhouette perchée au sommet d’un groupe de conteneurs maritimes aux multiples couleurs. Comment ces imposants coffrages avaient-ils pu se retrouver ici ? Une femme, vêtue d’une combinaison blanche et le visage dissimulé par un casque de même ton, à la visière opaque, se tenait là, laissant peut-être deviner un sourire énigmatique et des yeux déterminés.

– Madoka et Kenji ! déclara-t-elle d’une voix ferme. Vous en avez mis du temps !

Cette voix était la même que celle entendue au téléphone.

– Et pourtant, nous sommes en avance, répliqua Kenji avec un large sourire nerveux. Qui es-tu ?

Silencieuse, Madoka scruta la silhouette. En effet, qui pouvait-elle être, dissimulée derrière ce casque ? Selon le ton de la voix, elle était censée la connaître. Cette femme avait-elle vraiment un double appartenant à son monde ? Madoka n’avait jamais rencontré quelqu’un portant ce type de combinaison, mais cette voix lui était étrangement familière.

La femme au sommet du conteneur leva la main gauche et claqua des doigts. Derrière elle, la porte d’un autre conteneur, positionné à sa hauteur, s’ouvrit, révélant un motard casqué et imposant, tirant une chaîne au bout de laquelle une jeune femme fut contrainte de sortir. Les mains ligotées dans le dos et bâillonnée, elle était traînée de force par la chaîne autour de sa taille.

– Hikaru ! s’écria Kenji, accompagné de Madoka qui manifesta silencieusement sa surprise.

Kenji n’en croyait pas ses yeux. Sa petite sœur était là, vivante. Il ne l’avait pas vue depuis deux ans, et bien qu’elle ait quelque peu changé, sa joie était immense. Serrant alors les dents de colère, il cria à l’encontre de celle qui était responsable de cette situation :

– Canaille ! Relâche ma petite sœur immédiatement !

– Tu n’es pas en position de donner des ordres ! rétorqua la mystérieuse femme. N’oublie pas que tu dois respecter le marché que j’ai édicté.

Madoka regarda Hikaru. Elle ressemblait étonnamment à celle qu’elle connaissait. Était-il possible qu’elle soit vraiment celle qui avait disparu depuis deux ans, dans cet univers ?... Les yeux exorbités de Hikaru, lorsqu’elle croisa le regard de Madoka, étaient révélateurs. La jeune fille aux yeux azur semblait plus surprise de la voir, elle, que son propre frère aîné. Que signifiait cela ?...

– Où est Kasuga Kyosuke ? demanda Madoka avec conviction. Il fait partie de l’échange.

– Oh, lui ?... répondit nonchalamment la mystérieuse femme. Il dort paisiblement dans le conteneur. Il n’est rien pour moi. Je te le donne comme cadeau, car je sais que toi et Kenji avez des comptes à régler avec lui. La plus importante, ici, c’est Hikaru, la vraie monnaie d’échange.

– Pourquoi as-tu fait cela ? insista Madoka auprès de la mystérieuse jeune femme.

– Quoi donc ?...

– Avoir endormi Kasuga.

– Que t’importe ce type, Madoka.

– Tu es bien familière, toi qui te caches derrière ton casque. Pourquoi ne pas montrer ton visage ?

La jeune femme en combinaison blanche éclata de rire.

– Comment ?... Mais Madoka, tu me connais. Pourquoi fais-tu semblant ?

– Assez ! coupa Kenji, exaspéré par cette perte de temps. Finissons-en ! Que veux-tu ?

– L’emblème de ton groupe et son allégeance entière envers moi ! rugit-elle.

– Crois-tu ? Il me suffit maintenant de venir chercher Hikaru et de la délivrer. Ce n’est pas ton gros garde du corps qui va m’impressionner !

– Pauvre imbécile ! Je n’ai pas besoin de garde du corps. En quelques instants, je peux moi-même te neutraliser comme je l’ai fait envers Kasuga, lui qui n’a rien pu faire contre moi !

Madoka serra les dents. Kasuga… lui qui a le Pouvoir… Il aurait pu neutraliser facilement toute attaque contre lui par la simple pensée. Comment a-t-il pu se laisser avoir par cette fille ?...

Hikaru tenta désespérément de parler à travers son bâillon, mais les sons qui parvinrent aux oreilles de Madoka étaient incompréhensibles.

Madoka croisa à nouveau le regard de la fille au casque blanc et avertit :

– Hikaru doit absolument nous dire si elle va bien. Laisse-la parler !

Kenji souffla alors aux oreilles de Madoka :

– Ayukawa, à nous deux, nous pouvons facilement neutraliser cette fille et son toutou.

– Notre position n’est pas avantageuse, dit-elle. Cette fille ne m’inspire pas confiance. Méfiance.

– Elle semble te connaître, dit Kenji. Tu es certaine de ne pas la connaître ?

– Si elle garde son casque sur la tête, je ne suis sûre de rien.

La fille en question répondit :

– Ainsi, tu veux laisser parler Hiyama, Madoka ?

– Qu’as-tu à perdre ? répondit l’intéressée. C’est l’assurance qu’elle n’a pas été maltraitée.

– Très bien, si cela permet de conclure notre affaire. Hormis le fait que j’aie dû l’endormir et la ligoter comme tu le vois, je t’assure qu’elle n’a pas été victime de quelconques sévices.

– Qu’elle nous le confirme ! insista Kenji, le poing serré.

Un claquement de doigts de la mystérieuse jeune femme retentit, et son silencieux acolyte retira le bâillon de Hikaru.

Aussitôt, celle-ci hurla de toute sa voix, laissant éclater une émotion intense dont elle savait si bien faire preuve :

– Madoka ! C’est vraiment toi ?... Comment peux-tu être ici ?

Kenji trouva étrange que la première réaction de sa petite sœur, après deux ans d’absence, soit de se préoccuper davantage de Madoka que de lui. Madoka, elle aussi, fut surprise. La Hikaru de cet univers n’était pas censée lui parler ainsi.

– Hikaru ! C’est moi : Kenji ! Je suis venu te chercher ! Est-ce que tu vas bien ?

La jeune fille aux yeux azur fixa quelques instants ce jeune homme, qu’elle savait être le frère aîné de l’autre Hikaru, son double. Il était incroyable de le voir ici, en chair et en os, au pied de ce conteneur. Se sentant soudain moins seule dans cet univers étranger, elle cria encore à l’adresse de son amie :

– Madoka ! Madoka ! Attention, cette fille, c’est Sayuri Hirose !

Les yeux émeraude de Madoka s’écarquillèrent de surprise.

« Sayuri ?… »

Elle remarqua cependant que Hikaru continuait à s’adresser directement à elle, et non à son grand frère. Comment cela était-il possible ?

De son côté, Kenji était complètement troublé. Non seulement sa petite sœur semblait l’ignorer, mais elle cherchait constamment l’attention de Madoka, censée être ignorée en raison de leurs relations tendues. Que se passait-il ? Et qui était cette Sayuri Hirose que Hikaru et Madoka semblaient toutes deux connaître ? Il regarda Madoka et vit en effet que ses yeux étaient désormais sévères, fixés sur celle qui portait cette combinaison blanche. À son regard, Madoka connaissait vraiment cette Sayuri.

– Ayukawa… Que se passe-t-il ? lui demanda-t-il.

Lentement, Sayuri retira son casque, révélant sa chevelure dorée qui se déploya derrière sa tête et sur les côtés. Elle était identique à celle que Madoka et Hikaru connaissaient dans leur propre univers. Une immense beauté émanait d’elle, accompagnée d’une assurance renforcée par son regard azur perçant, lançant des messages invisibles à l’attention de Madoka. Cette dernière se demanda si elle ne venait pas du même univers qu’elle, mais c’était impossible. La Sayuri qu’elle connaissait était loin d’être la personne qui se tenait maintenant au sommet du grand conteneur.

Madoka se replongea alors dans les souvenirs presque oubliés de cette fille atypique qu’elle avait côtoyée de manière épisodique au lycée Koryo. Sayuri avait la réputation d’être une chasseuse de garçons, les rejetant sans pitié dès la moindre déclaration. Ce jeu cruel sans violence physique, consigné dans ses carnets de chasse, lui conférait un certain pouvoir ainsi qu’une renommée au sein de l’établissement scolaire. Jusqu’au jour où elle rencontra Kyosuke Kasuga, un jeune homme s’avérant être totalement insensible à son aura prétendument irrésistible. Kyosuke, en effet, ne pouvait se défaire des pensées profondément ancrées qu’il avait pour Madoka. Malgré de nombreuses tentatives, Sayuri échoua à le séduire. Mais la dernière action de Sayuri, l’été précédent, fut indirectement dévastatrice : elle avait initié une fausse rumeur sur Madoka, déclenchant une tempête qui brisa à jamais l’innocence et les sentiments ancrés dans les cœurs. Ainsi, Sayuri Hirose et ses doubles demeurant à travers tous les univers parallèles, détruisent tout ce qu’elles touchent. Même celle-ci, se tenant fièrement à sa place, distillait encore son venin sur Hikaru... Elle était si ressemblante en tout à la Hikaru qu’elle connaissait... Il fallait en avoir le cœur net…

– Hikaru, dans quelle ville as-tu habité après avoir quitté Tokyo ? lui demanda Madoka.

– Pourquoi lui poses-tu cette question, Ayukawa ? intervint Kenji, surpris.

– À Otaru, Madoka. À Otaru !... répondit la jeune fille.

À cette réponse, les yeux de Kenji s’écarquillèrent. Sa propre sœur avait-elle en fait fui discrètement la ville de Tokyo durant deux ans pour cet endroit si reculé du Japon ?

– Otaru ?... Tu... tu étais tout ce temps là-bas ? lui demanda son frère.

Mais Madoka entendit les mots suivants d’Hikaru, et fut pleinement convaincue :

– C’était il y a des semaines, quand tu es rentrée des États-Unis, se sentit-elle obligée de s’expliquer. Madoka, je suis désolée... Je…

La voix d’Hikaru toucha Madoka. Ce timbre doux et sensible qu’elle connaissait depuis tant d’année. Lorsque Hikaru partit brusquement pour s’installer à Otaru, elle n’avait appelé au téléphone que Kyosuke, pas elle. Maintenant, elle la retrouvait ici. C’était bien elle, « sa Hikaru », son amie de toujours, malgré les aléas de la vie qui malmène les destins, mais qui sait aussi rassembler les cœurs perdus.

Kenji et même Sayuri scrutaient Madoka avec une certaine incrédulité. Tous deux ignoraient tout d’un récent séjour aux Etats-Unis de sa part. Mais la jeune femme aux yeux émeraude se moquait de leur stupéfaction. Elle continuait à regarder tendrement Hikaru, qui, pour une raison inconnue, avait traversé tout le multivers pour se retrouver ici. Kyosuke, toujours endormi dans le container, devra s’expliquer, mais plus tard.

– Hikaru ! fit-elle de sourire et de joie. C’est bien toi !

– Madoka !... répondit son amie aux yeux azur. Merci d’être là !...

– Oui, je suis venue te chercher, toi... et Kasuga.

– Madoka, à ce propos de Kyosuke… ce n’est pas vraiment lui… hi hi…

– Mais vous allez arrêter, oui ? s’énerva Sayuri, se sentant complètement ignorée.

Madoka comprit enfin. Hikaru avait sans doute deviné qu’elle s’était retrouvée dans un univers parallèle. L’arrivée de Kyosuke dans cet univers avait sûrement provoqué un micmac infernal avec son alter-ego resté coincé dans sa bulle de téléportation. Madoka en déduisit donc que Kyosuke était retourné de force dans son univers d’origine avec la véritable sœur de Kenji, d’où cet échange interdimensionnel avec Hikaru, surprise de se retrouver soudainement à Tokyo, loin d’Otaru. Tout cela devenait de plus en plus compliqué.

Quoi qu’il en soit, Madoka et Hikaru restaient les deux seules personnes à avoir voyagé ici depuis un autre univers. La jeune femme à la chevelure bleu nuit songea à Manami, « sa Manami », qui devait être ailleurs, sans savoir si elle reviendrait un jour. La seule chance de rentrer pour elle et Hikaru résidait à présent dans le retour de Kyosuke dans cette dimension, ce qui ne devrait pas tarder, puisqu’il devait avoir compris les enjeux.

– Ayukawa, mais que se passe-t-il, enfin ? demanda Kenji. C’est quoi cette histoire de voyage récent aux USA ? Tu n’y es pas allée depuis des lustres, depuis ta courte visite chez tes parents là-bas, il y a un an et demi.

Madoka regarda Kenji avec désintérêt :

– Je te l’ai déjà dit : je ne suis pas ta Madoka Ayukawa.

– N... Nani ?!...

Une autre voix, sévère, s’éleva :

– Comment peux-tu dire cela, Madoka ? prononça Sayuri. Je t’observe depuis longtemps. Tu n’as jamais quitté la ville. Tu n’es jamais partie à l’étranger. Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais tu ne tromperas personne ici.

– Madoka ! Fais attention à Hirose ! Elle possède des...

Hikaru ne put terminer sa phrase. Un claquement de doigts de Sayuri ordonna au geôlier de remettre son bâillon à cette fille trop bavarde. Désormais, impuissante, Hikaru ne pouvait que hurler dans une étoffe déformant le moindre son.

– Enfin le silence, fit Sayuri d’une voix rassurée. Cette fille a une voix qui m’agace au plus haut point. C’est insupportable. Mais revenons à nos affaires. Raison pour laquelle je vous ai conviés, Kenji et toi, Madoka.

– Ayukawa, on reparlera de cette histoire américaine quand tout ceci sera terminé, fit Kenji à son amie, partagé entre le trouble au sujet du nouveau visage que lui montrait continuellement Madoka et son désir de libérer sa petite sœur, dont les paroles renforçaient son incrédulité.

– Comme je l’ai déjà dit, vous me devez allégeance… vous deux et toute votre bande, rappela Sayuri. Contre la liberté de Hikaru.

D’un air menaçant, Kenji commença à s’avancer vers la base du conteneur maritime sur lequel se tenait Sayuri, en clamant :

– Je ne sais pas d’où tu sors, mais je vais te...

Il ne put achever sa phrase. Derrière lui, Madoka lui asséna un coup puissant à la nuque. Le jeune homme s’effondra, surprenant toutes les personnes présentes.

– Eh bien, Madoka, je vois que tu sais toujours autant profiter de la moindre occasion, fit Sayuri. Si je comprends bien, tu as pris la décision de te rebeller contre ton chef ?

– Il n’est rien pour moi, déclara Madoka. C’est entre toi et moi, Sayuri.

À ces mots, la jeune fille en combinaison immaculée esquissa un sourire empreint de tristesse. En cet instant, elle semblait retrouver une Madoka qu’elle avait toujours connue, comme si les souvenirs enfouis dans les replis de sa mémoire resurgissaient soudainement. Il y avait cette époque lointaine où elles s’étaient croisées dans une ville d’une province éloignée, bien avant Tokyo. Madoka n’avait pas toujours résidé dans la grande demeure qui l’abritait désormais. Sayuri et elle s’étaient liées d’amitié dans les couloirs d’une école de cette ville, où la douleur du harcèlement scolaire avait tissé les fils de leur complicité naissante.

Malgré leur faible différence d’âge, elles partageaient la même ambition farouche de défier l’injustice qui régnait en maître dans cet établissement sans repères. Unies dans leur révolte, elles se préparaient en secret, s’entraînant inlassablement avec une détermination sans faille à toutes les formes de combat concevables. Animées par leur amour commun pour la musique, elles avaient choisi ensemble le médiator comme arme de prédilection, discrète et aisément dissimulable sous leurs vêtements durant les cours. Ensemble, tout en grandissant, elles devinrent une force indomptable, un duo formant un sukeban redoutable, semant la terreur parmi les tyrans de l’école, puis du collège, en les défiant un à un.

Leurs exploits les menèrent au-delà des murs de l’établissement scolaire, vers les quartiers environnants gangrenés par la violence, surtout une fois la nuit tombée. Dans l’obscurité, elles patrouillaient, à l’insu de leurs parents respectifs, traquant les bandes armées, telles des chasseuses de primes modernes. Leur réputation grandissait, et leur amitié se consolidait dans le sillage de leurs adversaires vaincus. Pour Sayuri, c’était une époque dorée, où les rêves de vengeance contre la sottise humaine prenaient forme, tant dans les ruelles sombres que dans les batailles nocturnes.

Mais les rêves, hélas, ne durent jamais éternellement. Le cœur de Madoka fut épris d’un jeune garçon de son âge rencontré par hasard au voisinage de la future demeure que ses parents s’apprêtaient à acquérir dans la capitale. Il s’agissait de Kenji Hiyama, le futur leader du gang motorisé qu’ils allaient tous deux constituer ensemble quelques années plus tard. Lorsque Sayuri eut connaissance du départ imminent de Madoka pour une nouvelle vie et de sa rencontre avec Kenji, ce fut pour elle un coup terrible. Elle réalisa qu’elle perdait son amie de toujours, dans tous les sens du terme. Le départ effectif de Madoka vers la capitale, imposé par ses parents, fut un déchirement pour Sayuri, d’autant plus que son amie n’y montra pas elle-même de signes de résistance. Ainsi, l’amitié laissa place à un étrange sentiment de trahison dans l’esprit de Sayuri. Les chemins se séparèrent.

Devenue une louve solitaire dans les rues de sa ville natale, Sayuri sillonna à travers un chemin pavé de rancunes et de revanches, concrétisant ses sombres sentiments en se montrant encore plus impitoyable avec ses ennemis. Elle se tint sporadiquement au courant de la nouvelle vie de Madoka dans sa grande ville. Mais en dépit du temps écoulé, le désir de vengeance contre celle qui l’avait abandonnée jadis, ne l’avait jamais quittée. Sayuri nourrissait également une rage particulière contre Kenji Hiyama, qui avait fortement influencé Madoka dans sa décision de ne pas rester.

Des années après, elle finit par apprendre que Madoka et Kenji furent confrontés à la disparition mystérieuse de Hikaru Hiyama, la sœur cadette de Kenji. Hikaru avait complètement disparu de la circulation, suite à sa fuite avec un mystérieux jeune homme, dont elle sut plus tard qu’il s’agissait de Kyosuke Kasuga. Sa dernière localisation connue était le pont de Yokohama.

Récemment, Sayuri décida de s’émanciper définitivement du foyer familial, quittant à son tour sa ville natale, partant à la conquête de Tokyo avec sa propre bande de motards à ses côtés. Le temps de la louve solitaire était révolu pour elle. Et quel meilleur moyen de vengeance que de conquérir l’empire de Kenji et de Madoka, sa fidèle amie d’autrefois ? Elle fit récemment poster un garde en civil aux abords du pont de Yokohama, jusqu’à ce que celui-ci l’alerte ce soir sur la réapparition du couple Hiyama/Kasuga. L’occasion était trop belle pour Sayuri, qui voyait là un moyen de pression imparable sur Madoka et Kenji. Il fallait agir vite.

– Oui, c’est entre nous deux, désormais, Madoka, confirma Sayuri d’une voix empreinte de mélancolie.

Elle avança d’un pas, frôlant le bord du conteneur.

Les jolis traits de Sayuri se déformèrent alors dans une colère sans précédent :

– Par ta faute, Madoka !! Tu m’as abandonnée, trahie !!

– Sayuri...

Madoka savait que quelque chose d’inhabituel s’était produit pour Sayuri. Il était évident qu’elle et son double dans cet univers, se connaissaient depuis des années, et que la vie avait dû causer les catastrophes que Sayuri avait décidé de faire s’abattre sur le groupe de Kenji par vengeance. Au fond d’elle-même, Madoka se rassurait en pensant qu’elle avait eu raison de ne jamais rejoindre ou former un sukeban, source de trop nombreux drames internes à terme. La solitude, avec l’autonomie qu’elle permettait, était bien la seule solution pour évoluer dans « l’univers de la nuit ». Elle avait pu également mettre un terme à ses activités à temps, sans rien ne devoir à personne.

Il n’était pas question que Sayuri soit en mesure d’agir à sa guise. Il fallait mettre un terme à cette spirale destructrice, touchant à des êtres chers, même s’ils n’appartenaient pas à son univers. Elle devait à présent continuer de jouer son rôle, celle de cette Madoka dont elle avait pris la place en arrivant dans ce monde.

– Un duel, Sayuri. C’est ça que tu veux ?... C’est la seule issue à nos différends. Tu le sais aussi bien que moi. Choisis ton arme.

Sayuri acquiesça, résignée. La confrontation semblait inévitable.

– Un duel... oui. Contre tout ce que tu as. Tu mises tout ! déclara la jeune femme aux cheveux d’or, avec fermeté.

– J’accepte.

Hikaru, bâillonnée, tenta de se faire entendre. Madoka ignorait les réelles capacités de Sayuri. Hikaru savait que Madoka ne s’était plus entraînée depuis des années à combattre avec ses médiators ou à mains nus. Sayuri était d’une trempe bien supérieure. C’était une machine impitoyable capable de tous les coups possibles. Ce duel était une folie que Madoka n’aurait jamais dû initier. Il aurait fallu simplement accepter l’échange.

– Si tu perds, tu quittes la ville pour de bon, toi et tes complices, énonça Madoka. Pas de retour en quête de vengeance.

– J’accepte. Mais si je gagne, tu perds tout, Madoka. Toi et les Hiyama.

– J’accepte.

Les mots d’Hikaru, étouffés par le bâillon, résonnaient dans le silence oppressant qui suivit. Sayuri désigna deux motos peintes en blanc, parfaitement identiques, stationnées non loin des conteneurs.

– Choisis celle que tu veux, Madoka. Nous aurons une minute pour nous préparer. Pas de casque. Aucune sortie du hangar possible. Tous les coups sont permis. Pas de limite de temps. La première à terre a perdu. Voilà les règles. Tu les acceptes ?

Madoka savait qu’elle n’avait que peu d’expérience en moto, mais sa maîtrise des médiators compenserait peut-être.

– J’accepte, dit-elle.

Son regard croisa alors celui d’Hikaru, empli d’une crainte palpable. Madoka comprit : Sayuri était une adversaire redoutable, prête à tout pour parvenir à ses fins. Elle regarda Kenji, qui gisait toujours à même le sol, plongé dans l’inconscience. À son réveil, nul doute qu’il ne serait guère enclin à la jovialité.

D’un bond acrobatique, Sayuri, quitta les abords du conteneur pour se poser avec une élégance déconcertante sur le sol dur. Un saut prodigieux, haut de près de trois mètres, qui ne manqua pas d’impressionner Madoka, sachant pertinemment que la Sayuri Hirose qu’elle avait connue dans son propre univers n’aurait jamais osé s’essayer à de telles prouesses.

Dans un silence pesant, Sayuri se dirigea vers la moto que Madoka n’avait pas choisie, s’installant sur le siège de la machine. Madoka l’imita. Les moteurs vrombirent à l’unisson. Une puissance indéniable se dégageait de chaque machine. Madoka constata que sa moto était parfaitement opérationnelle. Sayuri avait tenu sa promesse.

Toujours muettes, les deux jeunes femmes se préparèrent, les moteurs de leur destrier métallique respectif grondant de plus en plus forts. Leurs regards se fixèrent, la tension montant d’un cran. Le rugissement des cylindrées emplit tout l’espace du hangar. Nul besoin de donner le signal. Les deux motos s’élancèrent de concert, au début droit devant elles, vrombissant à pleins poumons. Dans quelques instants, il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Tétanisée, Hikaru s’affala sur ses genoux sur le toit du conteneur, emporté par le désespoir, témoin d’une confrontation pouvant tourner au désastre. À ses côtés, son garde muet, tenant la chaîne, scrutait les mouvements des motos qui venaient d’entrer en action.

Les deux machines se séparèrent au milieu du hangar. Arrivée au fond de la grande salle, Madoka posa un pied à terre, observant la scène, tout en laissant le moteur ronronner. Sayuri ralentit à son tour, prenant position à une distance respectable de son adversaire. Malgré l’espace qui les séparait, leurs regards se croisèrent, cherchant à déchiffrer les intentions de l’autre. Madoka devait se montrer imperturbable, ne laissant rien transparaître devant Sayuri. Une pensée pour Kyosuke traversa son esprit. Elle pria pour qu’il revienne au plus vite la chercher. Mais était-il déjà trop tard ?... Sayuri se délecta d’avance. Ce combat, c’était, au fond d’elle-même, ce qu’elle avait toujours voulu.

Le moment était venu. La minute de préparation était écoulée. Les moteurs rugirent avec une intensité redoublée. Les deux motos, se faisant face à distance, foncèrent l’une vers l’autre... À pleine vitesse !...

Un duel sans merci venait de débuter !...

 

 

 

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Dans le sujet : KOR en 48 semaines

aujourd'hui, 13h24

FrozenOwl, très belle Réflexion/Témoignage qui pourrait figurer sur la page des témoignages de mon site. Penses-y.

Je suis d'accord sur le fait que Hikaru n'a jamais la moindre chance avec Kyosuke. L'ancrage des sentiments de Kyosuke envers Madoka s'est faite dès le départ. Je dirais presque aussi, si j'osais : première rencontrée, première aimée. Point barre. Les rencontres suivantes, le baiser accidentel avec Hikaru ne comptant pas au final dans les yeux de Kyosuke, lequel d'ailleurs, n'en fit pas allusion durant le reste de la série.

Belle conclusion à encadrer. Bravo pour tout le travail mené pour notre plus grande joie.


Dans le sujet : Goodies japonais des expositions KOR

hier, 00h32

Pour le moment, je suis satisfait de Japan Rabbit. Ils sont clairs dans ce qu'ils font et proposent. Ils communiquent bien via l'anglais. 


Dans le sujet : Anime - Episode 48 - Les dimensions temporelles

06 juin 2024 - 17h52

FrozenOwl, j'ai lu avec un grand plaisir ton compte rendu de l'épisode 48. Je dois avouer que tu t'es déchaîné pour cet épisode final; J'avoue que j'ai bien rigolé des commentaires délires que tu t'es permis de placer en dessous des images. Images très nombreuses cette fois-ci. Surtout, fais attention aux cookies de ton PC, ok ? Comme toujours, tu as discerné les incohérences de cet épisode. Mais l'émotion finale nous gagne et nous fait tout oublier. Bravo pour ce bel article qui mérite de figurer dans le top super marrant délire des articles que tu as réalisé. Tente de faire pareil avec l'épisode 49 :D Et merci pour tout ce que tu as fait pour ce parcours des 48 épisodes. Je suis prêt à parier que tu va t'attaquer aux deux films, maintenant ? Diantre ! Ha ha ! :D En tous cas, on va en reparler lors de l'IRL du 22.


Dans le sujet : Anime - Episode 48 - Les dimensions temporelles

06 juin 2024 - 17h35

 

Scène poste-crédit 2 (à ne lire qu'après les deux posts précédents)

 

klr7.png


"- Zut, trop tard."

 

 

FrozenOwl, tu voulais qu'elle tombe ? :D 


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