@Chibi
On s'éloigne un peu du sujet mais cette année, il avait une conférence sur les "tantô", c'est à dire les responsables éditoriaux qui sont en relation avec les auteurs, qui est un poste à part entière.
Evidemment, ce qui a été mis en avant, c'était une relation auteur/tantô qui fonctionnait bien... ou le tantô faisait des remarques pertinentes et constructives avec des exemples de brouillons de manga puis de version finale en montrant comment la discussion entre l'auteur et son responsable avait permis d'améliorer certaines choses qui étaient souvent de l'ordre du détail.
C'était particulièrement intéressant. Il en ressortait que l'auteur avait toujours le dernier mot, théoriquement, en tout cas. Toutefois, les invités n'ont pas manqué de faire remarquer que chaque responsable éditorial est différent. Chacun a sa personnalité. Certains vont se contenter de faire des remarques anodine et d'autres vont essayer d'influencer le mangaka. Mais à aucun moment ils ne peuvent imposer quoi que ce soit. Ils peuvent essayer (et y arriver), mais le mangaka est toujours libre de refuser.
Et de la même façon, chaque mangaka a sa personnalité. Certains vont se laisser influencer et écouter toutes les remarques de leur tantô, d'autres n'en feront qu'à leur tête et enverrons balader leur responsable.
Voilà ce qu'il ressortait de cette excellente conférence.
Après, comme tu le fais remarquer, les mangakas sont soumis à un rythme effréné et ça peut tout à fait les rendre vulnérables... Là dessus, tu as tout à fait raison.
Ceci étant dit, il n'en reste pas moins vrai que Toriyama n'a pas "dû" modifier son histoire... il a accepté de le faire. C'est une nuance importante. Peut-être parce qu'il était en situation de vulnérabilité, peut-être parce qu'il a trouvé que les remarques de son responsable étaient pertinentes. Ca, j'avoue que je ne saurais le dire.
Par contre, si on insiste sur la charge du travail de mangaka, je crois qu'il est bon de rappeler que les tantô qui sont soumis à un rythme et une pression tout aussi dingue, voire pire. En fait, on en parle peu mais les tantô craquent bien plus souvent que les auteurs. C'est assez normal car ce sont eux qui font "tampons" entre les auteurs et la maison d'édition.
Toriyama, Hojo, Oda... Tous ont "usés" plusieurs tantô.
D'ailleurs, cette année, toujours à Japan Expo, Tsukasa Hojo n'a pas manqué de se plaindre de son premier responsable éditorial et du soulagement que ça a été lorsqu'il a été remplacé par un autre qui lui faisait beaucoup moins de remarques.
Concernant Tite Kubo, c'est un peu différent. La maison d'édition peut décider à tout moment de stopper une série. On imagine cependant que ce n'est pas par plaisir et qu'il ne vont pas arrêter une série populaire du jour au lendemain. Si on devait caricaturer on dirait au contraire que les maisons d'édition japonaise sont connues pour "essorer" leurs mangakas tant que le succès est au rendez-vous.
En revanche, dès qu'une série perd en popularité, elle est arrêtée. C'est, il me semble, ce qui s'est passé pour Bleach. Il y avait déjà un moment que la série était mal classée dans les sondages de popularité (qui est un outil essentiel du fonctionnement des maisons d'éditions) et il. a été décidé que la série ne serait pu publiée.
L'éditeur n'est pas venu voir l'auteur en lui disant "accélère un peu ton histoire". Non, en fait, c'est pire que ça. Ce qu'on lui a dit c'est "à partir de telle date, on arrête de publier Bleach, que tu aies fini ton histoire ou pas."
A partir de là, l'auteur s'est senti obligé de donner une fin, même bâclée, à son histoire mais, à la limite, il n'était même pas obligé. J'imagine que c'était par respect pour ses lecteurs. Mais ce qui est sûr, c'est que ça n'aurait rien changé au sort de la série.
C'est radical et particulièrement choquant, de mon point de vue. Mais, encore une fois, Hiroki Gotô assume totalement dans son livre ce côté impitoyable de l'édition japonaise et est très clair sur le fait que le Jump est avant tout un business.
Après, c'est une vision qui est totalement en décalage avec notre vision occidental de ce qu'est un "auteur" et du respect qu'on lui doit. La conception japonaise de la notion d'auteur est assez différente et plus... disons "pragmatique"... en tout cas de ce côté industriel du monde l'édition.
Car il n'y pas non plus que des gros éditeurs qui sont quand même un cas très particulier. Il y a aussi des éditeurs plus petits dont les pratiques sont plus respectueuses et plus proches de notre vision des choses.