Bonsoir, donc en l'absence d'instructions, je poursuis l'histoire, côté Kitakata bien entendu.
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Revenu, Kitakata vit que Madoka était aux côtés de Kyosuke étrangement endormi sur la banquette.
– Ayukawa, que s’est-il passé ? lui demanda-t-il.
La jeune fille aux yeux émeraude lui révéla un visage des plus sérieux.
– Kasuga est inconscient.
– Comment est-ce possible ?
Ne voulant pas évoquer l’accident avec Yusaku, car il y avait plus important, elle choisit d’éluder :
– C’est sans importance pour le moment, fit-elle. La chaleur qu’il fait actuellement est notre principal problème.
– Cela devient étouffant, admit Kitakata.
– Sensei, regardez par la fenêtre : devant nous à l’horizon, il y a la raison de ce qui arrive.
Kitakata vit que la brume était levée et que le paysage avait changé. La campagne verdoyante avait laissé place à un paysage de désolation. On se serait cru dans un désert de rochers arides.
– Étrange que tout cela, commenta-t-il. Ce n’est pas dans la configuration du trajet que je connais. Y a-t-il un feu plus loin ou… ? Je n’arrive pas à bien distinguer ce qu’il y a…
Madoka se releva et tint tête à Kitakata :
– Sensei, si ce train avance encore, nous risquons de subir un sort peu enviable.
– Que voulez-vous dire, Ayukawa ?
– Il faut stopper ce train coûte que coûte ! fit-elle.
– Vous plaisantez, n’est-ce pas ? Comment persuader le conducteur du train de s’arrêter ?
– Vous allez m’aider.
Kitakata considéra les passagers du train qui étaient en train de souffrir de la chaleur qui était de plus en plus intense. Il fallait agir, faire quelque chose.
– Très bien, Ayukawa. Nous devons faire en sorte de stopper ce train. Notre wagon est situé à la troisième position à partir de la locomotive de tête. Il faut y pénétrer de force. Comme ce n’est pas un train très moderne, il n’y pas de sas entre le wagon de tête et la locomotive. Si la chaleur que nous sentons maintenant est intenable, je n’ose imaginer ce que cela doit être quand il faudra mettre le nez dehors pour tenter dans la locomotive.
– Nous n’avons pas le choix, Sensei !
– D’accord, allons-y, Ayukawa. Mais n’oubliez pas que vous êtes sous ma responsabilité. Vous ne prendrez pas de risques.
– Passez devant, dans ce cas, fit-elle un peu agacée comme si elle était vue comme une petite fille.
Kitakata demanda aux élèves de quitter le wagon et de s’occuper de Kyosuke et de Kurumi afin qu’ils aillent tous vers le wagon de queue.
– Où sont, Hatta, Komatsu, Manami Kasuga et Hiyama ? demanda Kitakata.
– Ils sont allés chercher de l’aide vers l’arrière du train, trouver le contrôleur et chercher de l’eau, répondit Ayukawa. Mais cela n’a pas d’importance, maintenant, ils sont hors de portée et là où ils doivent être. Nous devons nous rendre vers la locomotive pour stopper ce train avant la catastrophe.
Ils passèrent dans le wagon suivant. Kitakata demanda aux passagers de quitter ce wagon et de faire en sorte qu’ils se rendent vers le wagon de queue. Face à la situation intenable côté chaleur et paysage méconnaissable, ils acceptèrent.
– Je ne comprends pas ce qui arrive, fit Kitakata. Le conducteur se serait-il trompé de ligne ?
– En tous les cas, nous devons stopper ce train, fit Madoka derrière lui.
Ils parvinrent au second wagon avant la locomotive et Kitakata ordonna aux passagers de quitter le wagon pour qu’ils aillent. La chaleur avait encore augmenté. Le train filait comme si de rien n’était au même rythme. C’est à se demander ce qui se passait dans l’esprit du conducteur en ce moment.
Ils parvinrent au dernier wagon, juste avant la locomotive de tête. Il n’y avait pas de passagers dans ce wagon, sans doute parce que la chaleur était plus intense.
– Comment est-il possible qu’il fasse si chaud ? demanda Kitakata.
– La chaleur extérieure entre plus facilement dans ce wagon car il n’y a pas de sas isolant entre nous et la locomotive. Kitakata vit avec appréhension que la vitre derrière laquelle la locomotive était située était sur le point de céder tant la chaleur avait fait érodé. La vitre était fêlée et la chaleur entrait.
Kitakata et Madoka regardaient par la vitre côté passager ce qui se passait. Les rochers semblaient fumer suggérant que la chaleur extérieure était extraordinaire.
– Seigneur, on dirait qu’on est sur une autre planète, genre Vénus ou Mercure.
– Ne dites pas de bêtises, Sensei. Nous devons parvenir à pénétrer dans la cabine de la locomotive maintenant !
Kitakata n’aurait jamais cru qu’une telle situation allait arriver. Mais il avait la responsabilité de plusieurs classes d’écoliers. Il devait coûte que coûte parvenir à accomplir son devoir, ce pourquoi il est professeur avant tout, peu importe sa spécialité.
Il actionna la poignée de la porte vitrée afin d’ouvrir la porte menant vers l’extérieur. Sa main sauta de surprise.
– Cette poignée est brûlante ! hurla-t-il.
Madoka considéra la situation. L’extérieur situé entre la porte et celle de la cabine de la locomotive devait être suffocant. Madoka calcula qu’il y avait trois mètres de distance à parcourir dehors.
Kitakata regarda autour de lui. Il vit la solution accrochée sur l’une des parois du wagon.
– Ecoutez, Ayukawa, il va falloir que je vous demande une chose.
– Quoi donc Sensei ?
– Je n’aurai que peu de temps pour agir dehors.
Il prit l'extincteur et le tendit à Madoka.
– Vite ! Aspergez-moi complètement avec, demanda-t-il.
– Comment ?!
– La neige carbonique sera pour moi une mince protection, mais elle me permettra de progresser dehors, le temps d’atteindre l’entrée de la locomotive.
– Sensei, c’est complètement fou ! Comment cet extincteur...
– Faites-le ! coupa Kitakata.
Ayukawa n’avait jamais vu son professeur aussi déterminé. Mais il n’y avait pas le choix. Il fallait tenter quelque chose sans être brûlé par la chaleur extérieure. Kitakata continuait à tendre la bonbonne à Madoka qui finit par prendre l’objet. Elle retira la sécurité et aspergea Kitakata de tout le contenu. Le corps de Kitakata était complètement recouvert de neige carbonique.
– Maintenant, passez-moi cette bonbonne, demanda-t-il.
– Qu’allez-vous faire ?
– Une pierre deux coups comme on dit ! Ne restez pas ici et rejoignez les autres. Il va faire très chaud ici.
Immédiatement, empoigna la bonbonne de manière à en faire un bélier improvisé. Il fonça droit vers la porte vitrée en visant la poignée. Le choc fut brutal, mais avec l’élan et le choc ciblé avait eu raison de la porte vitrée qui vola en éclat.
– Sensei ! s’écria Madoka qui sentit une chaleur terrible frôler ses vêtements.
Kitakata devait profiter de l’élan pour continuer sa course vers la porte de la locomotive qui elle était en acier ! Dehors, il était difficile de respirer. Il se demanda s’il y avait encore de l’oxygène dehors tant il était difficile de respirer cet air. Aveuglé par la chaleur qui fit fondre presque toute sa protection carbonique, il continua sa course vers la porte en acier tout en hurlant pour se donner du courage. Il visa la poignée de la porte en question. Mais quelque chose n’allait pas. Le choix fut terrible. La poignée, bien que percutée par le bélier improvisé par Kitakata, résista, et le malheureux fut renversé en arrière. Madoka vit que les choses étaient devenues critiques. Kitakata retomba sur le dos à exacte distance entre la locomotive et le wagon. Il était inconscient.
– Seigneur ! fit Madoka effarée.
Elle était maintenant seule face à un problème insurmontable. Comment sauver Kitakata et ouvrir la porte en acier de la locomotive ?
Elle n’eut pas le choix. Elle vit qu’il y avait un système d’alarme pour faire arrêter le train. Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle tenta d’activer la manette, mais aucune réponse ne se produisit. Il était possible que le conducteur de la locomotive ait été pris au piège de la chaleur et qu’il n’ait pas eu le temps d’activer l’arrêt du train. Il fallait coûte que coûte parvenir à pénétrer cette locomotive. Elle déchira un morceau de sa jupe pour en faire un masque. Comme la porte vitrée du wagon était ouverte, elle n’avait pas à foncer dessus comme Kitakata l’avait fait avant. Elle fonça dehors et sentit une chaleur extrême lui râper la peau. Se forçant à ne pas y songer, elle sauta par dessus le corps inanimé de Kitakata. Elle n’eut pas le choix. Elle pria que son élan soit capable d’accomplir l’impossible comme elle l’avait déjà fait pour ses médiators dans le passé. Elle rassembla toutes ses forces et donna un coup terrible de son pied sur la poignée de la porte de la locomotive. Un choc terrible se produisit. La poignée sauta, et la porte s’ouvrit d’un coup ! Madoka retomba à l’intérieur de la cabine de la locomotive. Il semblerait que Kitakata ait de toute évidence réussi à fragiliser la poignée au point qu’il ait été nécessaire de produire un autre coup de bélier pour faire tomber toute résistance à cette poignée.
Même si la chaleur était forte dans la cabine, elle était moindre qu’à l’extérieur. Elle vit le corps inanimé du conducteur de la locomotive au sol, un homme assez âgé dont la constitution physique n’avait pas pu résister à tant de chaleur. Il respirait encore, mais faiblement. Madoka vit une autre bonbonne de neige carbonique. Elle prit cette ultime aide, enleva la sécurité et s’aspergea elle-même de ce mince filet de sécurité qui lui permettait de tenir le temps de faire entrer Kitakata à l’intérieur de la cabine. Elle ressortit et prit les pieds du professeur, puis de toutes ses forces parvint à tirer le corps endormi de l’homme. La chaleur était vive et la neige ne tint pas longtemps sur elle. Mais cela fut nécessaire pour permette de mettre Kitakata à l’abri.
A présent, il fallait stopper ce train. Madoka considéra le panneau de commande de ce train. Elle ne connaissait pas son maniement. Mais elle vit le levier de sécurité qui semblait être celui qui permettrait de stopper ce train fou. Elle agrippa ce levier et tira le plus fortement qu’elle put. Avec horreur, elle vit que ce levier était coincé et que quelque chose semblait le retenir dans cette position. Non en fait, elle n’avait plus de forces. Soudain une seconde main recouvra celle qui empoignait le levier.
– Sensei !
Kitakata était réveillé et déterminé.
– Je vous avais dit que vous étiez sous ma responsabilité, Ayukawa ! fit-il tout en usant de ses dernières forces sur ce levier.
La force combinée des deux jeunes gens eut raison du levier qui s’abaissa enfin. Le train ralentit enfin !
– Où est la commande qui fait reculer ce train ? demanda Ayukawa qui regarda partout. Je ne connais pas ces mécanismes.
Kitakata tenta de réveiller le conducteur qui était toujours dans les vapes.
– Monsieur le conducteur, réveillez-vous !
Il lui donna des claques. Au point que celui-ci finit par se réveiller.
Madoka nota qu’à la différence de Kurumi et Kasuga, cet homme n’était pas tombé dans le coma.
– Que ?... Que ? balbutia le conducteur qui avait de la peine à ouvrir les yeux.
– C’est très important ! insista Kitakata d’un ton autoritaire. Il faut que vous m’indiquiez où se trouve la commande qui fait reculer ce train !!
– Quel malheur, répondit le conducteur au point de se retrouver à nouveau dans l’inconscience tant la chaleur ressentie était extrême. Le train ralentissait toujours, mais ne pouvait pas rester fixe avec cette chaleur.
– Répondez-moi, insista Kitakata !
– Levier rouge… puis l’homme retomba dans les pommes.
– Ayukawa ! Le levier rouge !
Madoka regarda le tableau de bord avec tous les boutons et leviers. Il y avait deux leviers rouges qui étaient à l’opposé l’un de l’autre, tous deux positionnés tout en haut.
– Il y a en deux ! Lequel des deux il faut abaisser ? demanda Ayukawa qui ne voyait aucun texte ou légende en dessous des deux mécanismes.
– Aucune importance, fit Kitakata. Prenez celui de droite, je prends celui de gauche.
En même temps, ils tirèrent sur leur levier respectif, qui s’abaissèrent tous les deux. Le train ralentit encore plus. Les roues des trains semblaient à présent tourner en sens inverse sur des rails plus surchauffés plus que jamais.
– Les roues tournent en marche arrière, mais le train est encore pris dans son élan avant, fit Ayukawa respirant avec difficulté.
– Il faut remettre le premier levier qu’on a actionné ensemble dans la position haute, et donner plus de puissance à la marche arrière des roues, fit Kitakata, sinon, le train reculera trop lentement et on va finir par griller.
– En êtes-vous certain, Sensei ?
– Pas le choix… Nous ne savons pas combien de temps nous allons tenir. Aidez-moi à remettre le levier en place…
Leur vision devint plus floue. Leurs forces les abandonnèrent. Il fallait atteindre ce levier pour donner la pleine vitesse à ce train vers l’arrière.
Leurs mains empoignèrent le levier, puis ils poussèrent de toutes leurs forces pour qu’il puisse faire en sorte que la marche-arrière soit au maximum. Le levier remonta, mais c’est à ce moment précis que Madoka et Kitakata tombèrent en même temps dans le sommeil.
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Merci à vous pour votre lecture.