« La Première Marche »
par CyberFred
Épisode 32
Pour un cœur réconcilié
Précédemment, dans « Kimagure Orange Road – La Première Marche »…
En tentant de revenir dans la dimension parallèle où résidait Madoka, Kyosuke tente le tout pour le tout pour la sauver d’un destin effroyable.
Les yeux de Hikaru s’écarquillèrent de stupéfaction, incapables de croire ce qu’ils voyaient. Son cœur battait la chamade, alors qu’elle observait la scène surréaliste devant elle. Bien qu’elle soit depuis peu familière avec les manifestations étranges du Pouvoir, ce spectacle la plongeait dans une confusion déstabilisante. Elle se sentit prise entre l’émerveillement et la terreur, comme si le temps s’était arrêté autour d’elle.
Malgré les chaînes qui restreignaient ses poignets, Hikaru se mouvait avec une agilité presque irréelle, son corps réagissant à l’urgence de la situation. Son regard, rivé sur Madoka devant elle, était empreint d’une anxiété poignante. La jeune femme à la combinaison noire moulante, était suspendue entre ciel et terre, immobile, les yeux clos, son corps tout entier défiant toutes les lois de la gravité. Le visage serein, les cheveux flottant derrière elle au lieu de retomber, les bras positionnés en arrière dans le prolongement de son corps penché vers le bas, Madoka était dans une position dangereusement proche du sol métallique du container, son crâne à quelques centimètres de l’impact fatal.
Un soulagement mêlé de panique demeurait toutefois en Hikaru en voyant que quelque chose, sans doute ce « Pouvoir », retenait Madoka d’une chute mortelle. Hikaru ressentit des émotions allant de la peur intense à un espoir désespéré.
Elle s’écria, sa voix vibrant avec détermination fervente :
– Madoka !… Tiens bon !!…
La jeune fille aux cheveux courts et dorés progressa vers son amie, toujours miraculeusement suspendue dans les airs, craignant que ce qui la maintenait ainsi ne cède d’un instant à l’autre. Elle s’efforça de protéger d’abord la tête de Madoka, mais lorsqu’elle tenta de tirer son corps tout entier vers elle, dans l’intention de la reposer en sécurité sur le sol, elle sentit une force invisible résister.
C’est alors que l’impensable se révéla à ses yeux : juste derrière Madoka, Kyosuke, haletant à quelques mètres, tendait une main dans sa direction. Il semblait concentrer toute son énergie pour maintenir la jeune femme aux cheveux bleu nuit en suspension. Hikaru le reconnut immédiatement. C’était bien lui, le Kyosuke qu’elle avait connu dans son propre univers. Il ne portait plus les vêtements de son alter ego, celui qu’elle avait rencontré sur le pont de Yokohama. Mais elle se figea, incapable de réagir. C’était lui, Kyosuke, qui contrôlait ce phénomène. Lui aussi possédait le Pouvoir, tout comme son double l’avait laissé entendre. Elle n’hallucinait pas ! Son ancien « Darling » était bel et bien doté du Pouvoir ! Malgré son incrédulité, Hikaru devait se rendre à l’évidence : elle était dans un autre univers, et Kyosuke venait de sauver Madoka d’une mort certaine… Madoka, son amie… celle qu’il aimait… À cet instant précis, elle réalisa qu’elle ne pouvait plus l’appeler familièrement en présence de Madoka.
– Kasuga !…
– Éloigne-toi, Hikaru, lui dit rapidement le jeune homme. Je… je vais poser Ayukawa à terre. Je m’en occupe…
– Hein ?…
Hikaru observa Kyosuke avancer de quelques pas, tendant toujours une main de plus en plus tremblante vers Madoka. Progressivement, le corps de celle-ci se tourna doucement dans les airs, comme une astronaute en apesanteur dans sa capsule en orbite le ferait, jusqu’à se retrouver en position horizontale. Grâce à son pouvoir télékinésique, Kyosuke la déposa délicatement sur le dos. Les yeux toujours clos, Madoka reposait enfin sur le sol ferme, hors de danger.
– Ayukawa ! s’exclama alors Kyosuke, essoufflé et soulagé.
Ayant presque épuisé ses dons issus du Pouvoir, il se précipita vers elle.
– Ayukawa !… Je suis là, maintenant…
Inquiet, il retira sa veste, l’enroula et la plaça sous la tête de Madoka, tel un coussin improvisé. Comme apaisé après tant d’efforts pour simplement parvenir en ce lieu, un léger sourire semblait se dessiner sur le visage de Kyosuke.
– Madoka est gravement blessée ! s’écria alors Hikaru en apercevant le sang qui s’échappait de sa plaie située au niveau de sa jambe gauche.
Elle resserra le garrot que son amie avait temporairement appliqué pendant la bataille, après avoir été violemment frappée par le médiator lancé par Sayuri Hirose.
– Kasuga, on ne peut pas la laisser comme ça ! clama-t-elle encore. Elle va perdre trop de sang si l’on ne fait rien. Il faut l’emmener d’urgence à l’hôpital !
Serrant les dents, Kyosuke constata en effet que la plaie à la jambe de Madoka continuait de saigner, malgré le garrot improvisé. Elle avait certainement aggravé sa blessure en puisant dans ses dernières forces pour vaincre Sayuri et son garde du corps, sans prêter attention à sa propre douleur et aux conséquences sur son corps.
Kyosuke savait qu’il n’avait pas la capacité d’arrêter définitivement l’hémorragie ou de cautériser la plaie à l’aide de son pouvoir. Le sang coulait toujours, menaçant d’envoyer Madoka dans un coma profond, voire pire, si rien n’était fait rapidement. Une rage sourde bouillonnait en lui. Il avait réussi l’impensable en se téléportant dans cet univers, franchissant un portail qui l’avait rejeté à maintes reprises pour une raison encore obscure. Mais maintenant, son pouvoir était presque hors de portée. Il était épuisé. L’effort pour atteindre cette dimension et prendre la place de son double avait été titanesque.
Hikaru remarqua à la fois la fatigue et l’hésitation qui se dessinait sur le visage de Kyosuke.
– Kasuga ?…
– Je suis épuisé, avoua-t-il. Je n’ai plus assez de forces pour la téléporter jusqu’à l’hôpital de Yokohama.
Le mot « téléporter » résonna profondément en elle. Kyosuke ne cachait plus qu’il possédait le Pouvoir, un secret qu’il avait gardé tout au long de leurs années au lycée. Une certaine admiration naquit en Hikaru pour cette facette de lui qu’il dévoilait enfin indirectement. Mais elle se rappela qu’elle ne devait plus se montrer aussi insistante et curieuse qu’autrefois. Elle devait accepter le fait que tout avait changé, y compris elle. Les amis qu’elle avait connus n’étaient plus les mêmes. Kyosuke et Madoka étaient désormais ensemble. Et l’inquiétude, visible sur le visage de Kyosuke à l’égard de la jeune femme inconsciente, révélait un amour indéfectible pour elle. Ceci rejaillit pleinement dans l’esprit de Hikaru.
« Tu l’aimes tant… », se dit-elle avec trouble intérieur.
– Kasuga… Peut-être que tu pourrais nous ramener chez nous, dans notre monde ? Ta famille pourrait ensuite emmener Madoka à l’hôpital.
Kyosuke porta son regard en bas du container, et aperçut Sayuri, inconsciente à terre, à côté de sa moto brisée, des lames de médiator encore plantées dans le guidon. Non loin de là, plus proche du container, un jeune homme en combinaison de motard noire, arborant l’insigne de son groupe de bikers, gisait également au sol.
« Kenji… », songea Kyosuke, apercevant enfin le visage de celui qui avait reçu l’affection du double de Madoka dans ce monde.
Kyosuke réalisa que Hikaru avait peut-être raison. Il était temps de rentrer à la maison, de laisser tout ce chaos derrière.
– Kasuga ! Tu m’entends ?…
La voix de Hikaru le ramena brusquement à la réalité.
– Kasuga, il faut rentrer maintenant ! insista la jeune fille.
Kyosuke secoua la tête.
– C’est impossible ! répondit-il fermement.
Hikaru fut déconcertée :
– Quoi ?!…
– Seule Ayukawa connaît les mots qui me permettraient de retourner dans notre monde. De plus… (Il fit silence un moment, puis reprit) Oui, tu n’es pas au courant… Je suis venu ici pour retrouver des membres de ma famille, enfin les doubles de notre monde… (Il marqua encore une hésitation) Hikaru, il y a une crise chez nous en ce moment. Si on rentre maintenant, on risque de mourir !
Les yeux d’Hikaru s’agrandirent de stupéfaction.
– Kasuga ! Ce n’est pas le moment de plaisanter ! Nous devons sauver Madoka impérativement !
Kyosuke, impuissant à se téléporter ou à revenir dans sa dimension, se concentra alors pour utiliser son pouvoir télékinésique et arrêter l’hémorragie. Il força à distance, la main placée à quelques centimètres au-dessus de la plaie de Madoka, à se refermer, ralentissant le saignement. Mais il savait que ce n’était qu’une solution temporaire. Toute son énergie restante était focalisée sur la blessure. Il lui fallait un autre plan, et vite.
– Mais qu’est-ce que tu fais, Kasuga ?… demanda Hikaru.
– J’utilise ma télékinésie pour empêcher Ayukawa de se vider de son sang, répondit-il, sans détourner les yeux de son travail.
– Mais ton… pouvoir ne permet pas de guérir les gens ?
– Non, et ma famille non plus. Pour l’instant, je ne fais que forcer la plaie à se fermer, mais ce n’est pas une vraie solution…
– Il faut que je me débarrasse de ces maudites chaînes ! déclara Hikaru en se rendant compte qu’elle était encore entravée.
Elle se traîna avec ses chaînes jusqu’au garde assommé par Madoka situé non loin de lui. En fouillant ses vêtements, elle finit par trouver la clé, puis se libéra, soulagée de se débarrasser de ses entraves. Se méfiant du garde qui pouvait se réveiller à tout moment, elle ligota les mains de celui-ci avec les mêmes chaînes, et garda la clé.
– Bravo, Hikaru, tu es formidable ! fit Kyosuke ravi. Si ce garde se réveillait, je n’aurais pas assez de forces pour le neutraliser.
Hikaru revint se placer aux côtés de Kyosuke et Madoka.
– Et si on essayait de cautériser la plaie de Madoka ? proposa-t-elle.
Kyosuke, surpris par cette idée, chercha rapidement le moyen de le faire.
– Il faudrait une forte source de chaleur, quelque chose comme une flamme pour chauffer une lame, ajouta-t-elle en scrutant l’endroit.
Son regard se posa alors sur Kenji, toujours inconscient au pied du container. Hikaru supposa que ce type avait probablement des cigarettes sur lui. Et donc un briquet dans une des poches de sa veste.
Elle commença à s’approcher du bord du container.
Kyosuke, en maintenant toute son attention sur la blessure de Madoka, remarqua le risque que prenait Hikaru.
– Hikaru, où vas-tu ?… Ne t’approche pas trop…
– Kasuga, je dois descendre en bas pour chercher un briquet sur ce type, rétorqua-t-elle sans hésitation.
Kyosuke, toujours concentré sur la blessure de Madoka, ne pouvait se permettre de relâcher son pouvoir. Il essaya de dissuader la jeune fille :
– Hikaru, on trouvera un autre moyen. Ne fais pas ça…
Trop tard. Elle enjamba déjà le bord du container.
– Hikaru ! S’il te plaît, non !… Ne fais pas…
La jeune fille ne prêta pas attention aux avertissements de Kyosuke. Toute son énergie était dirigée à présent vers Madoka. Elle devait absolument l’aider. Elle se sentait coupable de ce qui était arrivé à son amie d’enfance depuis son arrivée fortuite en ce monde parallèle. Madoka était venue la chercher et avait pris des risques incroyables pour la sauver des griffes de Sayuri et de ses sbires. Elle réfléchit à la vie qu’elle avait laissée à Otaru, loin de ses amis. Finalement, pourquoi cet exil ?… Pourquoi fuir Madoka, alors que celle-ci venait de revenir de Los Angeles avec les réponses qu’elle cherchait ?… Peut-être se détestait-elle trop pour accepter l’amour entre son amie d’enfance et Kyosuke… Kyosuke… celui qu’elle avait tant aimé. La fuite lui avait semblé être la seule solution pour ne pas gêner leur bonheur tant recherché, surtout après l’avoir si longtemps caché aux yeux de tous. Mais aujourd’hui, il n’y avait plus de place pour la fuite ou le recul. Elle devait avancer, c’est-à-dire aider Madoka, qui avait besoin d’elle.
Elle n’était pas une experte en escalade, mais elle se lança dans la descente du container de près de trois mètres de hauteur, défiant la gravité.
En bas, Kenji émergea d’un sommeil lourd et difficile. Avant de se relever, il toucha sa nuque, où une douleur encore persistante l’avait plongé dans l’inconscience. Il se souvint soudainement des événements. C’était un coup porté par derrière qui l’avait mis hors jeu ! Madoka !… C’était elle qui l’avait frappé ! Encore !… Quelle ingratitude !… Une amie intime de longue date l’avait trahi au moment crucial, pour l’honneur de son groupe de bikers !
Autour de lui, il découvrit un champ de bataille chaotique. Quelque chose de très violent s’était déroulé dans ce hangar pendant qu’il était inconscient. Parmi les débris de sable et les restes de motos et de pièces mécaniques, gisait Sayuri Hirose, celle qui avait tenté de prendre le contrôle de son groupe par la trahison. Elle avait été vaincue… Certainement par Madoka. Mais où était-elle, d’ailleurs ?…
« Hikaru ! », s’écria-t-il intérieurement, se rappelant que Sayuri l’avait prise en otage tout en haut du grand container.
Il leva les yeux et vit Hikaru en train de descendre lentement de la structure. Comment avait-elle réussi à se libérer de ses chaînes, ainsi que du garde imposant ?… Pourquoi faisait-elle cela toute seule ?…
Inquiet, il se précipita prestement vers l’endroit où elle tentait de descendre. Il la vit continuer à s’agripper aux reliefs du container, essayant d’un geste pas très assuré de descendre prudemment, en utilisant les arêtes et les interstices pour se maintenir. Soudain, un cri perça l’air ! Hikaru perdit prise et chuta dans le vide ! Le sol dur situé en dessous était dépourvu de sable !
– Hikaru ! crièrent simultanément Kyosuke et Kenji.
Ce dernier était heureusement déjà prêt à la réceptionner. Il rattrapa Hikaru dans ses bras, s’effondrant d’un genou sous l’impact de la chute.
Du haut du container, Kyosuke, toujours au chevet de Madoka, fut soulagé de voir Kenji Hiyama intervenir à temps.
– Hikaru ! Ça va ? demanda Kenji en la redressant sur ses pieds.
Il essaya ensuite de la prendre dans ses bras, ému après tant d’années de séparation. Mais la jeune fille fit un pas de côté, comme pour éviter les démonstrations d’affection, ce qui surprit Kenji.
– Mais enfin, Hikaru, c’est moi, Kenji : ton frère !
– Quand comprendras-tu que je n’ai pas de frère ? rétorqua la jeune fille. Je ne suis pas de ton univers, tu comprends cela ?…
Les pensées tourbillonnaient dans l’esprit de Kenji.
– Mais que s’est-il donc passé à Otaru pendant ces deux années de ta disparition ? s’écria-t-il. Maintenant que je suis là, plus rien de mal ne t’arrivera.
– Donne-moi ton briquet, demanda Hikaru.
– Pardon ?…
– Ton briquet, donne-le-moi.
– Pourquoi en aurais-tu besoin ?… Tu ne fumes pas.
– Madoka est gravement blessée.
– Hein ?!… Où est-elle ?
Elle désigna le sommet du container.
Kenji aperçut alors la tête Kasuga. Il était en train de faire quelque chose là-haut, mais ne put distinguer ce dont il s’agissait.
– Kasuga ! s’écria-t-il avec colère.
Il se tourna vers sa sœur.
– C’est pour lui que tu fais ça ?
– C’est pour Madoka ! Ton briquet pourra cautériser sa blessure !
Kenji, agacé, se détourna mentalement de celle qu’il considérait déjà comme une ex-petite amie.
– Que cette folle aille au diable ! hurla-t-il. Elle m’a trahi !
– Tu ne comprends rien, espèce d’idiot ! cria Hikaru en retour.
– Ce que je comprends, c’est que Kasuga, toi et Madoka étiez tous complices ! rétorqua Kenji.
S’adressant à Kasuga, il ajouta :
– Toi, là-haut ! Si je te mets la main dessus, tu vas voir de quel bois je me chauffe ! C’est Madoka qui est avec toi ? Eh bien, garde-la ! (Puis se tournant vers sa sœur). Et toi, éloigne-toi de lui !
– Baka ! Combien de fois dois-je te répéter que Kyosuke, Madoka et moi ne sommes pas de ce monde ? insista Hikaru.
– Arrête ces absurdités, Hikaru ! Franchement, je ne comprends pas pourquoi tu me ressors encore cette histoire de science-fiction.
– Crois ce que tu veux ! mais donne-moi ton briquet ! Même s’il s’agit de ton ex, il faut quand même l’aider !
Kenji trouva étonnant que sa sœur, qui était censée détester Madoka, veuille maintenant l’aider. Et ce Kasuga, là-haut, agissait-il de la même manière envers elle ? Son esprit se troubla, alors qu’il se demandait pourquoi ils souhaitaient tous les deux venir en aide à celle qu’il considérait déjà comme son ancienne petite amie.
De son côté, Hikaru parlait plus pour elle-même, après ces derniers mots prononcés. Au fond, elle se rendait compte qu’elle projetait ses propres sentiments sur la présente situation. Kyosuke, qu’elle considérait maintenant elle-même comme son ex-petit ami, lui restait cher malgré tout. Et son instinct lui disait qu’elle devait l’aider, même si cela passait par Madoka. Ils étaient tous deux ensembles désormais, c’était un fait. Il n’y avait plus de place pour les questions ou les regrets. Si elle avait eu plus de temps pour analyser la situation avant le retour de Madoka des États-Unis, peut-être n’aurait-elle pas fui de cette manière. Le remords la rongeait à ce sujet comme une vague incessante. Elle savait qu’elle avait fait une erreur. Kyosuke était une personne extraordinaire, et il méritait d’être avec une femme tout aussi exceptionnelle. Malgré la douleur amère qu’elle avait endurée ces six derniers mois, Hikaru réalisait à quel point elle avait eu de la chance de croiser leur chemin.
Kenji serra les dents, mais il obéit à sa sœur aux comportements étrange… Il ne pouvait s’empêcher de remarquer à quel point elle avait changé depuis sa disparition. Elle restait aussi obstinée qu’avant, mais il y avait en elle une maturité nouvelle qu’il ne parvenait pas à appréhender.
– Comment va Madoka ? demanda-t-il d’un ton plus posé.
– Elle a une plaie assez grave qu’il faut cautériser. Sayuri l’a blessée avec l’un de ses médiators. J’ai besoin de chauffer une lame pour refermer la plaie.
– Et Kasuga ? Que fait-il là haut ?
– Il essaie d’arrêter le saignement comme il peut. Il faut que j’y retourne…
– Non, c’est à moi de m’en occuper, intervint Kenji. Toi, tu restes ici. Je ne veux pas que tu montes là-haut. Tu as déjà eu assez de mal à descendre de ce truc. Remonter sera encore plus difficile pour toi.
Hikaru sourit devant cette proposition, mais laissa immédiatement retomber ce sentiment joyeux pour le prévenir :
– D’accord, mais ne fais rien contre Kasuga ! avertit Hikaru.
Sans répondre, Kenji fit face au mur en tôles contre lequel était adossé le container haut de trois mètres. Il visualisait déjà son parcours, chaque mouvement bien en tête. Après une courte respiration, il s’élança avec détermination. D’un mouvement précis, il prit appui sur le mur de tôles, son pied gauche frappant la surface flexible sous un angle parfait. Le matériau plia légèrement sous la pression, mais c’était suffisant pour qu’il prenne appui et se propulse vers le container. Son pied droit rencontra la paroi métallique du container dans un léger bruit sourd se répercutant en écho à l’intérieur. Avec un mouvement fluide, il se servit de cet appui pour rebondir immédiatement vers le mur. Le rythme était rapide, presque instinctif. À chaque rebond, le mur de tôles vibrait légèrement sous son poids, tandis que le container restait solide, offrant un contraste dans ses sensations. Kenji alternait ainsi entre les surfaces, prenant appui d’un côté, puis de l’autre, en grimpant peu à peu. Puis, dans un ultime élan contre le mur, il se propulsa en hauteur, ciblant cette fois le sommet du container. Son corps s’éleva dans les airs, dans un parfait contrôle de ses mouvements, et il retomba avec légèreté, pieds joints, de manière précise, directement sur la surface plate. Kenji se redressa, sentant la satisfaction d’avoir réussi son enchaînement sans fausse note.
Il s’immobilisa, son regard se posant sur Kasuga, penché sur Madoka évanouie, sa main semblant appuyer sur la jambe blessée de la jeune femme. Étonnamment, malgré la rancœur qu’il nourrissait à son égard, Kasuga semblait faire preuve de noblesse en essayant de l’aider. Le sang de Madoka s’était répandu sur le sol métallique. Non loin d’eux, gisait le garde imposant de Sayuri Hirose, dont la taille dépassait les deux mètres, que Madoka avait réussi à vaincre. Elle avait bien mérité sa victoire. Quel combat cela avait dû être ! Kenji regretta ne pas avoir assisté à cela. Il ressentit alors une certaine fierté pour cette femme qui, après avoir combattu à ses côtés, avait continué toute seule à affronter des dangers inimaginables.
Kyosuke observa Kenji avec une expression étrange. Il détaillait son allure, notant en particulier sa veste sombre marquée par nombre de batailles passées, visibles sur sa combinaison de moto usée, arborant sur son cœur un insigne distinctif qui faisait sa fierté. Le visage de Kenji était indéchiffrable, oscillant entre doute, rage et une trêve tacite.
– Alors, c’est toi, Kenji Hiyama ? demanda Kyosuke.
Kenji s’étonna. Pourquoi Kasuga parlait-il de lui comme s’il le découvrait pour la première fois ?
– Visiblement, ces deux dernières années n’ont épargné personne, répondit Kenji.
– Hikaru a dit vrai, reprit Kyosuke. Nous ne sommes pas…
– Oui, oui, je sais, je sais, coupa Kenji, préférant éluder la discussion sur les univers parallèles. Montre-moi plutôt la plaie de Madoka.
Kyosuke écarta sa main, révélant une blessure d’au moins trois centimètres sur la jambe dénudée de Madoka. Elle s’était aggravée par des efforts de torsions extrêmes exercées sur sa jambe, ce qui avait peut-être ouvert et même déchiré une artère, d’où le sang qui s’échappait en abondance.
– Si l’on ne fait rien bientôt, sa tension va chuter et… murmura Kyosuke en pressant de nouveau sa main sur la plaie, mais en s’aidant discrètement du Pouvoir.
Kenji sortit un couteau de sa poche, en déplia la lame, puis alluma son briquet pour chauffer le métal. Kenji avait déjà dû faire cela auparavant pour lui-même et ses hommes. Les combats à l’arme blanche, il connaissait. Madoka, quant à elle, en sortirait avec une nouvelle cicatrice, mais elle survivrait.
« Cicatrice… »
Soudain, Kenji interrompit son geste.
– Que fais-tu ? demanda Kyosuke, inquiet. Il faut aider Ayukawa.
Kenji s’approcha du corps inconscient de Madoka. Sa jambe gauche, dénudée et bandée par un garrot improvisé, ne portait aucune cicatrice ancienne.
– Co… Comment est-ce possible ?… murmura-t-il, perplexe.
Kenji en était pourtant certain : Madoka avait déjà été blessée à cette jambe, il y a quelques années, lors d’un affrontement avec une bande rivale. L’un des assaillants avait réussi à entailler sa cuisse, laissant sur elle une cicatrice visible. Il s’en souvenait distinctement, car Madoka l’avait plus tard décrite comme une marque de sa victoire. Mais ici, à l’endroit où cette cicatrice était censée demeurer sur sa peau, il n’y avait plus rien. C’était impossible…
Précipitamment, il remonta alors la manche du bras droit de Madoka, là où une autre cicatrice ancienne demeurait. Là non plus, plus aucune trace de blessure. Pourtant, il était sûr de lui : il connaissait Madoka par cœur, et elle avait toujours eu une cicatrice à cet endroit.
Il recula, troublé.
– Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Kyosuke. Il faut cautériser la plaie d’Ayukawa avec ta lame chauffée.
– C’est impossible ?! répondit Kenji en reculant, l’air totalement désemparé.
Le biker ne pouvait en croire ses yeux. La femme allongée devant lui, celle qu’il savait être Madoka, semblait différente. Cette Madoka n’avait aucune cicatrice sur son corps. Comment cela pouvait-il être possible ?
– Ce n’est pas elle ! cria-t-il alors. Elle n’a plus les cicatrices que je connais !
Kyosuke fixa Kenji, sentant que celui-ci commençait enfin à comprendre l’inexplicable.
– Cette femme n’est pas l’Ayukawa que tu connais, dit-il calmement à Kenji.
– Hikaru avait…
– Elle avait raison, répondit Kyosuke. Nous venons tous les trois d’un autre univers.
– Je… je ne peux pas y croire !
– Pourtant, c’est la vérité, confirma Kyosuke avec assurance.
– Combien de fois faut-il que je te le dise ? résonna la voix d’Hikaru depuis le bas du container.
Kenji resta pétrifié, ses pensées prisonnières d’un tourbillon silencieux. Tout autour de lui semblait s’être figé, comme si la réalité elle-même hésitait entre deux mondes. Les mots de Hikaru résonnaient encore en lui, mais leur signification lui échappait, fuyant devant un mur de vérité insaisissable.
« Un monde parallèle ?… »
Son cerveau refusait encore obstinément de traiter cette évidence, préférant, comme il le faisait, s’enfermer dans le déni. Pourtant, une petite voix au fond de lui commençait lentement à éroder sa résistance. Madoka n’était pas Madoka. C’était physiquement évident. Celle qu’il avait crue connaître, celle dont le sourire et les gestes familiers lui étaient si chers, n’était plus celle qu’il avait connue. Cette femme qu’il regardait n’était pas de ce monde… Quelque part, il en était rassuré, surtout après tous les coups de traitrise qu’elle lui avait portés sans explication. Quant à Hikaru, sa sœur… enfin cette jeune fille tout en bas du container qui lui ressemblait tant, avait quelque chose de différent dans sa manière d’être qu’il n’avait jamais connue auparavant.
Maintenant, tout se rassemblait dans un tableau désorientant mais inévitable : Madoka et Hikaru venaient bien d’ailleurs, d’une dimension où les règles de son univers ne s’appliquaient pas. Une autre réalité où des versions alternatives des deux personnes qu’il aimait existaient, mais avec des différences subtiles, presque invisibles, dont ces cicatrices inexistantes sur le corps de Madoka. Kenji sentit son estomac se nouer dans un mélange de peur et de fascination. La vérité crue se frayait lentement un chemin à travers le brouillard de son esprit : l’impossible était possible. Ces trois-là : Kyosuke, Madoka et Hikaru, n’étaient pas des imposteurs, ni des illusions. Ils étaient réels, mais pas de son monde. Et cette vérité-là, aussi impressionnante soit-elle, ne pouvait plus être niée. La confusion qui l’avait d’abord submergé s’éclaircissait, laissant place à une sorte de fatalisme calme. Ils étaient d’un autre monde, un monde parallèle, et c’était la seule vérité logique qui tenait encore debout parmi les ruines de son incrédulité à l’œuvre depuis ce début de soirée. Un voile venait de se lever, et même s’il se sentait encore perdu, Kenji savait qu’il ne pouvait plus revenir en arrière. La réalité venait de s’élargir et de s’ouvrir sur un abîme inconnu. Mais dans cet abîme, il y avait une clarté nouvelle, une lumière éclatante où tout ce qui semblait impossible était finalement réel.
– Où… où sont ma sœur et Madoka ? demanda Kenji, visiblement préoccupé.
– Elles reviendront bientôt, répondit Kyosuke sans hésitation. Dès que nous retournerons dans notre propre dimension, elles reviendront automatiquement ici, à notre place.
– Pourquoi sont-elles parties d’ici ? demanda Kenji, intrigué.
– Lorsqu’on voyage vers une autre dimension, on remplace automatiquement les doubles présents dans cette réalité. Ceux-ci, à leur tour, prennent notre place dans notre propre monde.
Ce concept paraissait complexe pour Kenji, qui avait déjà du mal à accepter que les trois personnes ici présentes qu’étaient Hikaru, Madoka et Kasuga, n’étaient pas celles qu’il avait connues.
– Vas-tu nous aider ? demanda Kyosuke. Ayukawa est dans une situation critique.
Malgré la révélation bouleversante, Kenji savait qu’il ne pouvait laisser cette autre « Madoka » sans soin. Il reprit ce qu’il avait stoppé. Son couteau s’étant refroidi, il se réchauffa à nouveau à la flamme de son briquet. Il profita de ce petit laps de temps pour se renseigner.
– Alors, dans ton monde, Madoka est ta petite amie ? demanda-t-il.
– Oui, c’est bien le cas, confirma Kyosuke.
Kenji sentit qu’il disait la vérité.
– Voilà qui me parait bien étrange, lâcha-t-il. Et j’ai un « moi-même » dans ton univers ?
– Non. Hikaru que tu as rencontrée tout en bas n’a pas de frère.
– Ce qui explique sans doute sa personnalité différente. Et Hikaru, qui est-elle pour toi, dans ton monde ?
Kyosuke hésita un instant. La question était délicate, et il en était pleinement conscient. D’autant plus qu’Hikaru, restée au pied du container pouvait entendre chaque mot échangé entre lui et Kenji. Il devait donc choisir ses mots avec prudence, cherchant à éviter de blesser Hikaru ou de trahir les souvenirs qu’ils partageaient tous les deux. Elle, autrefois follement amoureuse de lui, était une personne pétillante, extravertie, débordante d’énergie, et toujours prompte à exprimer ses sentiments. Il se souvenait de sa dévotion, parfois étouffante. Mais pouvait-il vraiment partager tout cela avec Kenji, sans risquer de rouvrir d’anciennes blessures ou d’attiser des malentendus ?…
Il tourna alors la tête vers Kenji en tentant de murmurer doucement, presque pour lui-même, mais tout en sachant qu’il était incapable de baisser suffisamment sa voix pour qu’Hikaru ne puisse entendre :
– Écoute, Hiyama. Hikaru… Tu sais, il y a quelque chose de spécial chez elle… Quelque chose qui ne disparaît jamais vraiment, même avec le temps qui passe…
Il s’arrêta un moment, choisissant ses mots avec soin :
– Hikaru est restée elle-même. Pleine de vie et de lumière. Toujours cette boule d’énergie qui peut transformer la pièce la plus banale en un endroit vibrant de chaleur. Ce que j’admirais chez elle, c’était sa capacité à aimer sans réserve, à donner tout ce qu’elle avait, même si cela signifiait ne jamais vraiment recevoir en retour ce qu’elle espérait. Et je me rends compte aujourd’hui à quel point c’était courageux de sa part. Hikaru n’a jamais cessé d’être vraie et authentique, même quand les choses ne se sont pas passées comme elle l’aurait voulu entre nous.
– Ah… Elle était amoureuse de toi ?… Comme ici ?…
En entendant ces mots, Kyosuke marqua une pause, réalisant que dans chaque monde qu’il connaissait, une Hikaru avait toujours manifesté de l’amour pour un Kyosuke, contrairement à Madoka. Confronté à cette évidence, il chercha à mettre des mots aux sentiments qui avaient longtemps siégé en lui :
– Aujourd’hui, elle représente pour moi ce moment de la vie de notre jeunesse où tout semblait possible, exprima-t-il. Où l’innocence et la spontanéité dictaient nos choix… Elle était cette étincelle de folie douce dans ma vie, celle qui me faisait rire quand tout semblait trop compliqué. Hikaru, c’est l’âme de cette époque révolue, comme une incarnation de ce que nous étions à ce moment-là. Et bien que nos chemins se soient séparés, je suis heureux qu’elle ait continué à avancer, fidèle à elle-même.
Kyosuke marqua une nouvelle pause, se demandant comment il avait réussi à exprimer ses pensées avec une telle sincérité, se demandant également s’il avait lui-même évolué et grandi à travers ces mots qu’il parvenait à exprimer.
Un léger soupir s’échappa de ses lèvres, avant qu’il ne reprenne la parole :
– Je ne regrette rien de ce que nous avons vécu ensemble, même si, au final, nous n’étions pas faits pour être ensemble. Hikaru mérite quelqu’un qui l’aime pour tout ce qu’elle est, quelqu’un qui puisse suivre son rythme et la rendre heureuse à sa manière. Et je pense qu’elle le trouvera bientôt. Pour moi, Hikaru est un rappel de ce qu’est l’amour dans sa forme la plus pure et la plus sincère. J’avoue qu’elle a laissé une trace en moi, une trace positive, et je lui en serai toujours reconnaissant.
Un sourire doux, presque nostalgique, se dessina alors sur son visage.
– Oui, Hikaru et moi, nous avons pris des chemins différents. Mais je ne la verrai jamais autrement que comme une personne formidable, et qui m’a appris beaucoup sur l’amour, sur l’amitié, et sur la façon de rester fidèle à soi-même, quoi qu’il arrive.
Tout en bas du container, Hikaru avait retenu son souffle en entendant son nom prononcé à plusieurs reprises par Kyosuke. Pendant un instant, un tourbillon d’émotions contradictoires avait agité son cœur. Son nom, prononcé avec tant de douceur et de nostalgie, l’avait ramenée des mois et même des années en arrière, à une époque où son monde tournait autour de Kyosuke. Les mots de celui qu’elle avait autrefois aimé étaient honnêtes, emplis de respect et d’affection, mais aussi empreints de cette distance inévitable qui vient avec le temps. Avec une clarté nouvelle, elle sentait que cette affection était différente de celle qu’elle avait jadis espérée. Ce n’était plus le battement frénétique d’un amour adolescent non partagé. C’était quelque chose de plus stable, de plus tranquille, comme une mer qui s’était calmée après les tempêtes.
Son cœur se serra légèrement, mais pas de tristesse. C’était plutôt une forme de gratitude douce-amère qui montait en elle. Elle était touchée par ses paroles, par la façon dont Kyosuke avait parlé d’elle sans aucun jugement ni regret. Il l’avait vue, vraiment vue, pour ce qu’elle avait été : une fille pleine de passion et d’espoir, mais aussi pleine de courage, même si elle ne s’en était pas rendue compte à l’époque. Il n’y avait pas d’amertume dans ses paroles, pas de gêne. Juste une reconnaissance simple et sincère.
Hikaru sentit à son tour un sourire se dessiner sur ses lèvres. Un sourire léger, mais vrai. Elle n’était plus cette fille qui attendait désespérément que Kyosuke la remarque. Elle n’était plus cette fille naïve qui croyait que tout se résumait à conquérir son cœur. En fait, elle se rendit compte que, quelque part, au fil du temps, elle avait appris à se détacher de cette ancienne version d’elle-même. Elle avait grandi.
Elle inspira profondément, sentant un poids quitter ses épaules. Ce que Kyosuke venait de dire lui apportait une paix inattendue, là, étrangement, en cet autre monde lointain. Elle savait maintenant qu’il la respectait, qu’il avait toujours eu pour elle une tendresse particulière, même s’il n’avait jamais pu l’aimer comme elle l’avait voulu. Ce n’était plus important. Ce qui importait, c’était que leurs chemins avaient divergé de manière naturelle, sans regrets ni rancœur. Et cela lui apportait une sorte de clôture, une conclusion douce à un chapitre qu’elle avait peut-être inconsciemment laissé ouvert trop longtemps.
Elle passa doucement une main dans ses cheveux, repoussant l’émotion qui menaçait de la submerger. Il y avait une certaine beauté dans ce moment, une beauté dans la réalisation que tout allait bien. Elle pouvait enfin avancer, le cœur léger, sachant que tout ce qu’elle avait vécu autrefois avec Kyosuke n’était ni une erreur, ni une perte. C’était simplement la vie, dans toute sa complexité, et elle en ressortait plus forte.
Son cœur était empli d’une tendresse sereine. Ce que Kyosuke avait dit resterait avec elle, non pas comme une flamme d’un amour ancien, mais comme un souvenir précieux d’une époque révolue. Un sourire confiant éclaira son visage.
– Impressionnant, Kasuga, admit Kenji avec un regard empreint de respect et d’admiration. C’est rare de voir quelqu’un parler de son propre passé avec autant de respect et d’honnêteté.
Kyosuke se demanda si Hikaru avait entendu toutes ses paroles à son sujet. Tout ce qu’il percevait depuis sa position était le silence pesant qui régnait tout en bas, un silence qui en disait peut-être long sur l’impact de ses mots. De là où il était, il ne pouvait pas voir la réaction d’Hikaru, mais il espérait qu’elle avait perçu la sincérité de ce qu’il venait de dire. En quelque sorte, c’était ce qu’il aurait souhaité lui exprimer directement s’il avait eu l’occasion de lui parler en tête à tête… Ce qu’il n’avait jamais pu faire, depuis que Madoka avait décidé de partir seule aux États-Unis. Kyosuke espérait qu’Hikaru pourrait trouver une forme de réconciliation intérieure après le choc qu’elle avait ressenti il y a six mois, lorsqu’elle avait découvert ses sentiments pour Madoka. En fin de compte, seule Hikaru savait ce qu’elle ressentait réellement.
Kenji avait fini de chauffer son couteau avec la flamme de son briquet.
– C’est prêt, Kasuga. Tu vas pouvoir retirer ta main. Je vais faire ce qu’il faut pour cautériser la plaie de ton amie.
– Merci à toi, Hiyama.
Tandis que Kenji approchait la lame rougeoyante vers la blessure de Madoka, une voix impérieuse se fit entendre derrière eux.
– Non ! Arrêtez !
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