« La Première Marche »
par CyberFred
Épisode 28 – Ding Dong !
Précédemment, dans « Kimagure Orange Road – La Première Marche »…
Kyosuke et Hikaru durent se séparer dans l’interdimensionnalité, sous l’influence des forces exercées par Kurumi, qui, déterminée à plier Madoka à sa volonté, se heurte à sa résistance farouche, refusant de céder. Entretemps, l’autre dimension voit le début de la confrontation de l’ancienne coéquipière de Madoka qui ignore encore à qui elle a réellement affaire. Le duel s’annonce toutefois sans merci ! De son côté, Manami cherche la voie de son destin à travers des dimensions de plus en plus étranges et lointaines. Entretemps, à la résidence des Ayukawa, les inquiétudes sont de plus en plus intenses… Et ne sont pas prêtes de se dissiper...
« Ding Dong ! »
Tous, sauf Madoka et Kurumi, sursautèrent. On avait sonné à l’entrée. Si tard le soir ?...
– Vite ! Allez voir qui c’est ! demanda Takashi à Akane et Kazuya.
Le père de Kyosuke observait toujours, impuissant, l’emprise que Kurumi exerçait sur Madoka, une domination qui défiait toute logique. Madoka luttait encore, sa volonté cherchant à résister aux tourments infligés par le pouvoir de Kurumi. Cette dernière avait coupé tout contact avec son entourage, sauf avec sa prisonnière.
Akane s’approcha discrètement d’une fenêtre donnant sur l’extérieur. Elle aperçut un homme et une femme en train de converser, attendant qu’on leur ouvre.
L’homme, aux cheveux coupés court, devait frôler la trentaine. Revêtu d’un costume sombre accompagné d’une cravate, il portait des lunettes. Il semblait être l’époux de la jeune femme qui se tenait à ses côtés. Celle-ci, d’un âge comparable au sien, attira l’attention d’Akane. Elle possédait quelque chose de Madoka, bien que sa chevelure mi-longue, châtaine, avec une frange effleurant ses yeux, la distinguât nettement d’elle. Son allure était d’une grande élégance. Elle portait un tailleur-jupe turquoise très en vogue, assorti d’un blazer à manches courtes du même ton. Un sac à main, dont la bandoulière passait sur son épaule droite, complétait sa tenue.
– Il y a un monsieur et une dame ! annonça Kazuya qui regarda à son tour, sans penser à lire les pensées du couple.
– Je ne sais pas qui c’est, admit Akane, scrutant ces visiteurs.
Takashi les rejoignit et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Il s’immobilisa, surpris, incapable de penser clairement.
– Oh non… murmura-t-il.
– Tu… tu connais ces personnes, oncle Takashi ? demanda Akane.
– Nous avons peut-être des ennuis, lâcha l’homme.
– Hééé ?!...
Dehors, le couple discutait toujours, semblant compter le nombre de secondes qui s’écoulaient depuis que la sonnette de l’entrée avait retenti.
– Ma colombe, je suis certain que tu t’inquiètes pour rien, fit l’homme.
– Je n’en suis pas sûre, rétorqua la femme. Ce n’est pas pour rien que les voisins ont appelé. Ils s’inquiètent des bruits qu’ils entendent depuis le début de la soirée.
– Tu disais que Madoka avait peut-être organisé un dîner ce soir avec des amis ?
– Justement, je voudrais en être sûre. Madoka ne me dit pas tout. J’espère qu’elle n’a pas été embarquée dans une soirée dansante à la maison, plutôt qu’au Disco Moebius.
– Ah… le Disco Moebius, fit l’homme tombant soudainement dans une certaine nostalgie. Cela me rappelle de bons souvenirs… Toi et moi, on y a été le soir de sa première ouverture, tu t’en souviens ?...
– Ce n’est pas le moment de ressasser cela, fit son épouse avec sérieux. Il y a plus urgent.
– Mais enfin, ma mésange, comment pourrait-il y avoir une soirée dansante, ici ?
La femme tourna la tête vers la porte d’entrée, qui ne s’ouvrait toujours pas. Elle sonna de nouveau, accentuant la surprise des occupants à l’intérieur.
– Pourquoi Madoka met-elle autant de temps à ouvrir ? s’impatienta-t-elle, voyant que personne ne semblait bouger à l’intérieur.
– Il faut être patiente, ma libellule, fit le mari. Elle ne va pas tarder.
– Je n’entends pas de musique à l’intérieur. D’habitude, Madoka met un peu de musique d’ambiance.
À l’intérieur, ce n’était pas le son qui montait d’un ton, mais l’inquiétude.
– C’est le couple Hamada ! déclara Takashi.
– Qui c’est ? demanda Akane, intriguée.
– Cette femme, c’est la fille aînée des Ayukawa, accompagnée de son mari.
Akane ouvrit grand les yeux.
– La sœur aînée de Madoka ?... Pourquoi sont-ils ici ? Ils ont été invités au dîner, eux aussi ?
– Non, pas du tout.
– Mais, oncle Takashi, on doit les laisser entrer ? demanda Kazuya.
Les deux cousins regardèrent Takashi avec inquiétude.
– Ils savent qu’il y a du monde dans la maison, dit l’homme, dépité. Si on n’ouvre pas bientôt, ils deviendront encore plus méfiants et risquent d’appeler la police. Habituellement, ils vivent dans une ville voisine. Leur présence ici n’est pas fortuite ce soir.
– Ont-ils été alertés ? demanda Akane.
– Probablement que certains voisins ont préféré agir discrètement par prudence.
– Mais que fait-on, oncle Takashi ? demanda Kazuya, inquiet.
L’homme prit un moment pour réfléchir, pesant soigneusement le pour et le contre. Kyosuke, Madoka et Hikaru n’étaient toujours pas revenus de l’autre dimension, ce qui indiquait que les événements ne se déroulaient pas comme prévu. De plus, il était étrange que le double de Kyosuke, ainsi qu’Hikaru d’Otaru, ne soient pas apparus dans le salon. Il était donc crucial de gagner du temps et de « tenir le terrain », c’est-à-dire rester dans la résidence des Ayukawa pour accueillir tout le monde à leur retour. Mais comment y parvenir sans éveiller les soupçons des Hamada ?...
– Je vais devoir faire appel à vous deux, les enfants, dit finalement Takashi.
À l’extérieur, la tension montait et l’impatience grandissait.
– Mais que fait donc Madoka ? s’impatienta toujours plus sa sœur aînée. Je ne vais pas tambouriner à la porte jusqu’à ce qu’on m’ouvre, tout de même !
– Patience, ma tourterelle. Elle doit sûrement se préparer à nous recevoir.
– Mais enfin, chéri, je suis sa sœur. Elle n’a pas besoin de se pomponner pour moi. Ce n’est pas du tout son genre.
– As-tu la clé de la maison ?
– Bien sûr. Papa m’a confié un double au cas où. Les absences de mes parents sont souvent très longues. Il est donc normal que je puisse entrer en cas de souci.
La jeune femme soupira de soulagement, reconnaissante de n’avoir jamais eu jusqu’ici à signaler de problèmes avec la maison de ses parents. Ces derniers étaient souvent absents ces dernières années, en raison de leur tournée musicale mondiale entre l’Europe et les États-Unis. Ils avaient même établi une résidence secondaire en Amérique du Nord, car les différentes étapes de leur tournée les amenaient fréquemment à traverser les états américains. Leur fille aînée, mariée depuis deux ans, n’aspirait en rien à mener la vie nomade de ses parents. De toute manière, elle n’était pas du tout musicienne. Elle avait épousé un ami d’enfance, devenu un honnête salaryman dans une entreprise de taille moyenne. Pour elle, il n’était pas nécessaire que son mari soit riche ou célèbre comme ses parents ; la vie qu’elle menait avec lui était suffisante. Cependant, en tant que fille aînée d’une fratrie de deux sœurs, dont la cadette était quelque peu rebelle, elle se sentait responsable pour gérer les problèmes familiaux de manière proactive. Ainsi, à l’appel du voisinage, elle avait insisté, même tardivement, pour se rendre sur place et voir ce qui se passait.
Un bruit de vibrations se fit alors entendre à travers les murs.
– As-tu entendu ? fit l’homme avec surprise. Est-ce un tremblement de terre ?
– Il n’y a jamais eu de tels phénomènes dans ce secteur, s’étonna son épouse.
– Je ne sais pas, mais j’ai clairement senti que cela venait de la maison elle-même, tu ne trouves pas ?...
La jeune femme examina les murs de la maison. Elle remarqua des petites fissures qu’elle n’avait jamais vues auparavant. Elle était certaine que cette maison avait toujours été bien entretenue, et que de telles craquelures n’auraient jamais dû apparaître.
– C’est surprenant, admit-elle. On dirait que ces lézardes sont récentes... Que se passe-t-il ici ?...
Mais elle n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps à ce phénomène. La porte d’entrée s’ouvrit enfin.
Le couple Hamada regarda l’hôtesse des lieux qui venait d’ouvrir.
– Madoka ! s’écria madame Hamada. Enfin tu nous ouvres !
– Onēsan [Grande sœur, NDLR], excuse-moi, j’étais en cuisine, répondit Madoka.
Sa sœur aînée ouvrit grand ses yeux marron.
– Ne sois pas si formelle, dit-elle à sa cadette. Tu es une jeune femme adulte, maintenant. Je sais que nous ne nous voyons pas souvent, mais il y a longtemps que je ne t’appelle plus imōtosan [Petite sœur, NDLR].
Madoka chercha ses mots. Elle ne savait pas comment appeler la femme qui se tenait sur le seuil avec son mari. La seule chose qu’elle savait, c’était son nom de mariée : Hamada.
– Bonsoir Madoka, fit monsieur Hamada. J’espère que tu vas bien.
– Bonsoir, giri no onii-san [Beau-frère, NDLR], répondit Madoka.
– Houlà, tu es bien formelle, giri no imouto-san [Belle-sœur qui est la sœur cadette de son épouse, NDLR], répondit le mari, en imitant exprès son style formel.
Confuse et ignorante des intentions de ces deux personnes, Madoka ne sut plus comment s’adresser à eux.
– Pourquoi... pourquoi êtes-vous venus ? demanda-t-elle.
Sans répondre et sans plus attendre, sa sœur aînée entra dans la maison, suivie de son mari. Tous deux passèrent devant Madoka, qui resta étonnée de l’audace de la femme. Cette dernière ressemblait vraiment à Madoka avec huit ans de plus. Seule la forme et la couleur de la coiffure les différenciaient. Sa frange recouvrait presque ses yeux, noyant son regard sous ses cheveux. Il était vraiment surprenant de voir une telle différence entre elles.
– Madoka, as-tu vu les craquelures sur le mur, dehors, près de l’entrée ? Il s’est passé quelque chose ?
Une perle d’inquiétude coula sur la joue de la jeune fille aux yeux couleur émeraude. Elle leva les yeux vers le plafond, prenant un air innocent.
– Ah ?... Mais je n’ai rien vu de tel. Co… comment est-ce possible ? balbutia-t-elle.
Sa sœur aînée inspecta les murs pour vérifier s’il y avait des dégâts à l’intérieur de la maison.
– Je vais devoir appeler un artisan, estima-t-elle. Papa voudra que ce soit fait le plus vite possible. Madoka, peux-tu aller me chercher son carnet d’adresses ?
Les yeux de Madoka s’agrandirent de stupeur. Jamais elle n’aurait imaginé que sa sœur lui demanderait une telle chose à ce moment précis, d’autant plus qu’elle ignorait totalement où se trouvait ce carnet.
« Cela se trouve dans un tiroir du bureau de monsieur Ayukawa, au premier étage. », entendit-elle dans son esprit. « Il est bleu. »
« Mais je ne peux pas me retirer de la vue de ce couple ! », répondit-elle en pensées.
« Ah oui, c’est vrai. J’arrive… »
Un petit garçon au visage souriant s’approcha alors du groupe qui se tenait à l’entrée. Le couple Hamada, surpris, observa le garçon.
– Oh, mais tu as de la visite, Madoka ? demanda sa sœur.
– Oui, je reçois à dîner, ce soir, répondit-elle.
– Bonsoir, madame, fit le petit garçon en s’inclinant avec politesse devant la sœur de Madoka. Je m’appelle Kazuya.
La femme examina le garçon et remarqua une étrange ressemblance avec son mari lorsqu’il avait son âge. Elle se tourna vers lui.
– Regarde, chéri, ce garçon te ressemble quand tu étais petit, tu ne trouves pas ?
– En effet, ma gazelle. C’est incroyable, admit-il.
Un nouvel arrivant se joignit alors au groupe. C’était un homme adulte portant une moustache. Les Hamada, déconcertés, se demandèrent qui pouvait être cet homme qu’ils ne connaissaient pas.
– Je vois que tu as du monde, Madoka, remarqua la sœur de cette dernière.
– Bonjour, monsieur et madame Hamada, je suis Takashi Kasuga, annonça l’homme qui s’inclinant respectueusement devant le couple. Les Hamada lui rendirent la politesse.
– Bonsoir, monsieur Kasuga. Je ne crois pas avoir eu le plaisir de vous rencontrer, vous et votre fils...
– Oh, Kazuya n’est pas mon fils. Il est le fils cadet de ma belle-sœur.
– Ah ?...
L’épouse Hamada se tourna vers Madoka, le visage empreint d’interrogation. Mais Madoka détourna le regard, esquivant les questions muettes qui se bousculaient dans son esprit.
– En fait, je… balbutia-t-elle.
Surprise par le nombre restreint d’invités, la sœur de Madoka se tourna vers Takashi.
– Comment avez-vous fait la connaissance de ma sœur ? demanda-t-elle non sans curiosité.
– C’est mon fils Kyosuke, qui est l’ami de Madoka, répondit Takashi. Ils se sont rencontrés il y a quelques années au collège.
Monsieur Hamada sembla retomber en plein souvenir :
– Oh, cela me rappelle…
– Plus tard mon chérie, coupa sa femme. (Se tournant vers Takashi) Ah oui… Kyosuke… Maintenant je me souviens : il était avec Madoka il y a deux ans, lors de mon mariage à Hawaii [Tome 14, NDLR]. Il y a eu une histoire assez étrange, d’ailleurs… (Elle se tourna vers son mari.) Un enlèvement déguisé sous couvert de jeu romantique… Je n’ai jamais vraiment compris ce qu’il en était.
– Ma coccinelle, je… balbutia son mari, légèrement embarrassé.
– Heureusement que j’ai échappé à cela, le coupa-t-elle. (Elle se tourna vers Takashi.) Votre fils est-il ici ?
– Non, il… il est absent en ce moment.
– Et votre belle-sœur ?
– Non plus.
– Ah ?...
– Je n’ai invité que le père de Kasuga-kun et Kazuya, le fils de sa belle-sœur cadette, précisa Madoka, d’un air quelque peu gêné.
La sœur aînée trouva étrange que ce petit garçon et son oncle fussent les seuls invités à ce dîner. Normalement, ce Kyosuke et la mère de Kazuya auraient dû être présents.
– Je suis désolée, s’excusa-t-elle. Je semble avoir négligé quelques devoirs. Vous étiez sans doute en train de terminer le dîner, bien qui soit déjà très tard.
– En fait, nous n’avions pas encore commencé, rectifia Madoka d’un air gêné.
– Vraiment ? s’étonna sa sœur aînée. Il est pourtant très tard. Madoka, je sais que tu es toujours si méticuleuse, mais…
Elle interrompit sa phrase en entendant des bruits feutrés provenant du salon. Madoka, Takashi et Kazuya ressentirent alors une inquiétude croissante.
– Mais… il y a du monde dans le salon ? demanda madame Hamada. Avez-vous d’autres invités ?...
Sans attendre de réponse, elle s’avança vers la pièce en question. Madoka, jetant un coup d’œil à Kazuya, lui fit comprendre par un geste qu’il fallait faire preuve de prudence. Le petit garçon répondit par un regard déterminé, semblant vouloir faire de son mieux. Takashi perçut le malaise palpable entre eux.
La sœur aînée de Madoka entra dans le salon. Bien que l’endroit parût calme, une ambiance étrange l’assaillit. Les lampes allumées un peu partout semblaient brouiller sa vision. Elle se frotta les yeux, mais la gêne persistait. Était-ce de la poussière qui la dérangeait ?...
Son mari fit son entrée à son tour, éprouvant lui aussi une sensation de flou visuel. Il se frotta les yeux, comme s’il essayait de chasser une poussière inexistante.
– Ma chérie, n’as-tu pas l’impression que le salon est un peu… poussiéreux ? demanda-t-il.
– Il semble en effet que quelque chose ne va pas ici, admit sa femme, perplexe.
Elle se tourna vers Madoka, qui venait d’entrer en compagnie de Takashi et Kazuya.
– Madoka, je ne comprends pas ce qui se passe. Cela fait des mois que je n’étais pas venue ici, mais j’ai l’impression que le ménage n’a pas été fait, et que la maison... je ne sais pas... semble différente.
– Comment cela ? demanda Madoka, feignant l’innocence.
– Écoute, je sais ce que c’est de rester toute seule dans une grande maison, poursuivit sa grande sœur. Mais je ressens une gêne inhabituelle, comme si j’avais soudainement une sorte d’allergie dans le salon. C’est inédit pour moi.
– Vraiment ?... Souhaites-tu que j’aille chercher quelque chose pour toi ?
– Ce n’est pas nécessaire, Madoka.
Madame Hamada examina sa petite sœur et trouva son air particulièrement étrange.
– Bon, Madoka, explique-moi ce qui se passe, demanda-t-elle.
– Que veux-tu dire, Onēsan ?...
– Arrête d’être si formelle, Madoka. Je suis venue à la demande des voisins. Ils ont entendu des bruits anormaux dans la maison.
– Des bruits anormaux ?... Que veux-tu dire, exactement ?...
– Des bruits suffisamment forts pour que les voisins les entendent de chez eux.
– Je... je pense que tu as dû mal comprendre, fit Madoka en se forçant à sourire. Tu me connais : s’il y avait eu des cambrioleurs ici, je me serais occupée d’eux.
– Ce ne sont pas des cambrioleurs dont je parle, mais de bruits sourds dans la maison, des lumières étranges, des perturbations dans l’électricité...
– Ah bon ? intervint Takashi. Mon neveu et moi n’avons rien remarqué. Peut-être que Kazuya a allumé le son de la télévision trop fort… N’est-ce pas Kazuya ?
– Oui, oui, oncle Takashi, confirma le petit garçon en se grattant derrière la tête.
Madame Hamada était perdue, incapable de comprendre la situation. Ses yeux se posèrent alors sur la table de la salle à manger, où sept couverts étaient dressés.
– Je ne comprends pas, murmura-t-elle. Attendez-vous encore d’autres personnes ?...
Madoka se sentit de plus en plus mal à l’aise. Madame Hamada semblait omniprésente, scrutant chaque détail avec une précision presque policière.
– Heu…
Madoka entendit dans son esprit la voix de Kazuya :
« Mme Hamada devine qu’il y a quelque chose qui cloche ici ! »
Elle poussa un soupir de frustration.
– Peux-tu m’expliquer ce qui se passe, Madoka ? demanda sa sœur, de plus en plus sceptique.
– Madame Hamada, je vous assure que nous passons une soirée des plus amicales, intervint Takashi, visiblement inquiet.
Monsieur Hamada tenta à son tour de clarifier la situation :
– Mon sucre, je ne comprends pas tes inquiétudes, mais je…
Le téléphone se mit à sonner brusquement.
La tension était palpable dans la pièce, à l’exception de la sœur aînée de Madoka, qui restait impassible.
– Réponds, Madoka. C’est sûrement papa qui appelle à cette heure.
– Comment… le sais-tu ?...
– Le décalage horaire. Aurais-tu oublié qu’il appelle des États-Unis ?
Dans l’esprit de Madoka, une voix s’éleva :
« Ah, là, je crains que tu ne puisses plus rien faire. »
– Non… répondit Madoka.
– Tu ne veux pas décrocher ? s’étonna sa sœur.
– Je…
« C’est une catastrophe… »
Madame Hamada décrocha alors le téléphone.
– Mochi mochi ?...
Tous les regards étaient braqués sur elle, tandis que Takashi observait attentivement celle que l’on prenait pour Madoka, mais qui était en réalité Akane, usant de toutes ses compétences pour tromper deux personnes à la fois avec des illusions. Kazuya contribua à la supercherie en atténuant dans l’esprit des Hamada tous les bruits issus de la maison et ceux que provoquaient Kurumi et sa prisonnière. Cependant, cela ne semblait pas suffisant.
La sœur aînée de Madoka parla à son père qui était bien à l’autre bout du fil.
– Oui, papa… Oui, c’est moi… Tu m’entends ?... Oui, je ne sais pas pourquoi le son est si mauvais… Oui ?... Oui… La maison ?... Madoka ?... Très bien…
Elle tendit alors le combiné à Madoka.
– C’est papa. Il veut te parler.
Les mains tremblantes, Madoka prit le téléphone, hésitant à prendre la parole car sa voix ne serait assurément pas reconnue par monsieur Ayukawa.
– Que se passe-t-il, Madoka ? s’impatienta sa sœur. C’est papa, voyons.
– Je…
– Vas-y, parle-lui…
À la surprise générale, Madoka raccrocha.
– Ça ne sert à rien, oncle Takashi, lâcha-t-elle.
– Tu as fait ce que tu as pu, répondit-il. Toi aussi, Kazuya.
– Nani ? fit madame Hamada, interloquée.
Aussitôt, tout changea radicalement pour le couple Hamada. Madoka se métamorphosa en une jeune femme aux cheveux châtains et aux yeux de la même couleur.
– Par le Ciel !! s’exclama l’époux Hamada, incrédule, en levant ses lunettes pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.
Mais la véritable stupeur vint ensuite : une partie du salon se mit à vibrer intensément, révélant une scène terrifiante pour les Hamada. Ils virent Madoka, vêtue d’une combinaison de moto sombre, en suspension dans les airs, face à une jeune fille qui semblait la maintenir à distance par une magie inconnue. Les voix des deux jeunes femmes parvinrent aux oreilles des Hamada. Madoka hurlait à la fois de douleur et de rage face à Kurumi, dont l’emprise se renforçait de manière toujours plus inquiétante. La maison, quant à elle, émettait des bruits étranges, comme si ses propres fondations se tordaient de l’intérieur.
Cet ensemble de visions soudaines perturba le couple Hamada au plus haut point.
– Mais… mais… Madoka ! hurla l’épouse. Madoka ! Quelle horreur !... Que se passe-t-il ?...
Takashi s’approcha d’elle.
– Madame Hamada, gardez votre calme, je vous en prie.
Son époux, l’air menaçant, s’avança vers lui et retint son col de chemise.
– C’est… c’est vous qui faites cela ?
– Qui êtes-vous ? Que faites-vous à ma petite sœur ? cria l’épouse, effrayée.
Elle tenta alors de se rapprocher de Madoka pour la libérer, mais une force invisible la repoussa en arrière et la déséquilibra.
– Ma tourterelle ! hurla son mari.
Il relâcha Takashi et accourut vers sa femme tombée au sol, pour l’aider à se relever.
– Vous ne pouvez rien faire, expliqua Takashi. Nous n’avons aucun contrôle, mais nous avons une solution.
La sœur de Madoka se redressa, le visage marqué par la colère.
– Que faites-vous à ma petite sœur ?! réitéra-t-elle.
– Ce n’est pas la Madoka que vous connaissez, répondit Takashi.
– Je… je vous préviens : je vais appeler la police ! décida-t-elle en se précipitant vers le téléphone.
Mais Kazuya, plus rapide, avait déjà arraché les fils de l’appareil.
– Petit ! Comment oses-tu ? s’exclama la femme.
Elle se tourna alors vers Takashi, qui restait impassible et fonça vers lui.
– Êtes-vous des criminels retenant ma sœur en otage ? Qui êtes-vous ?
– Vous vous méprenez, madame Hamada. Je vous en prie, écoutez-moi. Nous sommes de la famille Kasuga. Mon fils Kyosuke est l’ami de votre sœur Madoka. Son petit ami, d’ailleurs…
– Quoi ?... Madoka est… avec votre fils ?...
– Oncle Takashi, tu n’avais pas à préciser cela ! fit Akane.
– Hum… Ce n’est pas le plus important, admit-il. Le plus important est d’attendre leur retour.
– Leur retour ?... fit l’épouse Hamada.
– Oui, leur retour. Ils sont en voyage, si l’on peut dire.
– En voyage ?... Mais vous délirez, ma parole ! Ma sœur est ici, souffrante ! Faites quelque chose !
– Celle que vous voyez là est une autre Madoka, issue d’une dimension parallèle à la nôtre. Je vous répète qu’elle n’est pas votre sœur. Votre véritable sœur est dans sa propre dimension à elle.
N’y comprenant rien, l’épouse Hamada écarquilla ses yeux comme jamais.
– Vous… vous êtes fou… Vous êtes tous fous ici !
– Ma libellule, je crois… nous… nous devons nous enfuir d’ici ! fit son mari, de plus en plus inquiet.
– Tu as raison ! admit sa femme. Appelons de l’aide depuis l’extérieur ! Partons d’ici ! Vite !
Elle se tourna vers sa petite sœur une dernière fois :
– Je reviens avec des secours, Madoka !
La femme tenta alors d’avancer vers la sortie, mais une secousse se propageant dans les murs, plus violente que les précédentes, la fit vaciller.
– Je crains qu’il ne soit trop tard, maintenant, dit Takashi avec gravité.
Le couple parvint à atteindre l’entrée, mais la porte demeura obstinément fermée.
– Ouvre cette porte, espèce d’idiot ! s’exclama nerveusement madame Hamada à son mari.
– Je… je ne comprends pas, répondit son époux avec effort. La serrure est déverrouillée, pourtant la porte refuse de s’ouvrir !
Prise de panique, madame Hamada désigna une chaise du doigt.
– Prends cette chaise, là, et brise les vitres de la fenêtre !
– Ma luciole, tu veux que je casse une vitre ?...
– Fais-le !
Obéissant, l’homme saisit la chaise et la lança contre la vitre d’une fenêtre près de l’entrée. Étrangement, la chaise rebondit juste avant de toucher sa cible, et s’immobilisa au sol.
– Nani !?...
Désespéré, il reprit la chaise et tenta vainement de frapper la vitre avec toutes ses forces.
– Tu n’es qu’un bon à rien ! lança sa femme.
Ne sachant pas s’il devait rire ou non en observant cette scène à distance, Kazuya se tourna vers Takashi :
– Oncle Takashi, il semble que cousine Kurumi ait complètement verrouillé la maison. Il est désormais impossible d’y entrer ou d’en sortir.
– Oui, nous avons maintenant atteint le point de non-retour, répondit Takashi d’un ton grave.
– Où est donc Kyosuke ? se demanda Akane, inquiète. Il aurait dû revenir ici depuis longtemps. Même son double n’est pas revenu ici !
– Oui, c’est incompréhensible ! s’exclama son petit frère.
Totalement paniqué, le couple Hamada revint vers les Kasuga.
– Qu’avez-vous fait à cette maison ? hurla la sœur de Madoka. Qui êtes-vous ? Et qui est cette fille grimaçante qui menace ainsi ma petite sœur ?
– Madame Hamada, je vous prie de vous calmer, tenta Takashi.
– Je ne vais pas me calmer si vous me parlez aussi calmement !
– C’est dans ma nature d’être calme : je suis habitué au Pouvoir.
– Au quoi ?...
– Je vous expliquerai plus tard… si nous survivons à cela.
– Hééé ?! s’exclama monsieur Hamada. Vous voulez dire ?…
– Oui, la maison qui tremble… Nous n’avons aucun contrôle sur cela.
– Que dites-vous ? s’exclama la sœur de Madoka, non sans appréhension.
– C… Cette maison est-elle hantée ? fit son mari effrayé.... Y aurait-il des fantômes, ici ?... Êtes-vous tous des fantômes ?...
– Mais ne dis pas de bêtises ! rétorqua sa femme. Les fantômes n’existent pas !
Takashi n’eut pas le temps d’intervenir. Une vibration étrange se manifesta entre lui et le couple Hamada. Une forme humaine commença à se matérialiser devant eux. Incrédules et terrifiés, ils reculèrent immédiatement.
– Il… il y a vraiment des fantômes ! s’écria monsieur Hamada, plus terrifié que jamais.
Takashi retrouva espoir : il s’agissait d’un retour venu de l’autre dimension parallèle. Cependant, il semblait qu’une seule personne avait franchi le seuil. Qui était-ce ?... Pourquoi cette matérialisation était-il si lente ?...
Les yeux du groupe s’écarquillèrent lorsqu’ils découvrirent qu’il s’agissait d’Hikaru qui parachevait sa totale réintégration dans le salon. Cette dernière émit un cri de surprise en réalisant où elle se retrouvait.
– Hikaru ! s’exclama Akane.
Madame Hamada balbutia des incohérences, après avoir vu apparaître de nulle part une personne inconnue dans le salon de la maison de ses parents.
– Mais… mais… c’est complètement fou ! s’écria-t-elle.
– Est-ce un fantôme ?... articula son mari, abasourdi.
En observant les vêtements et l’apparence de la jeune fille, Takashi comprit qu’il s’agissait de la Hikaru issue de l’autre univers. Pourquoi était-elle revenue ici ?...
Il se précipita vers elle, car elle semblait complètement désorientée.
– Hikaru ! Tu es revenue !
La jeune fille balbutia des mots incompréhensibles.
– Je… je… le vide !... La beauté !... l’intersidéral !...
Takashi ne comprit rien à ce flot de paroles.
– Hikaru… reviens à toi ! Je t’en prie !
– Le vide !... Kyosuke ! continua Hikaru, comme habitée.
– Oui ! Kyosuke. Où est Kyosuke ?... Pourquoi es-tu revenue seule ?...
Les yeux de Hikaru semblèrent émerger d’un état de transe, son esprit peinant à revenir à la réalité. Elle s’écria alors, avec une lueur folle dans le regard :
– Kyosuke !!...
– Hikaru, que s’est-il passé ?... Reviens à toi !
Finalement, les larmes naissant au niveau de ses yeux, Hikaru fixa Takashi, semblant lentement reprendre conscience.
– Kyosuke ! Il… il est resté là-bas !
– Comment cela ? s’enquit Takashi. Que veux-tu dire ?...
– L’intersidéral !... L’entre-mondes !... Il est resté là-bas !...
La surprise fut de taille pour Takashi, Akane et Kazuya.
– Ciel ! fit l’homme. Toi et lui n’avez pas pu atteindre l’autre dimension ?... Ta dimension ?...
– Impossible ! s’écria Hikaru, la voix tremblante. Nous sommes restés coincés entre les dimensions… Les visions de cet endroit ont empli mon âme d’une terreur indescriptible ! Mon esprit a failli se perdre là-bas !...
La jeune fille s’effondra en larmes, enfouissant son visage dans ses mains.
Takashi leva les yeux, la stupeur se mêlant à l’angoisse. Ses pires craintes se confirmaient. Les énergies déchaînées de Kurumi avaient commencé à fracturer le rift interdimensionnel, empêchant tout voyageur d’atteindre sa destination. Hikaru était revenue de force grâce à l’attraction de Kurumi. C’était terrible. Kyosuke était-il resté coincé entre deux mondes ?... Pourquoi ne revenait-il pas, lui aussi, de force ?...
– Oncle Takashi… demanda Akane, inquiète.
– Kyosuke… Il n’est pas revenu avec Hikaru, dit-il.
– Tu veux dire qu’il est vraiment perdu quelque part ?...
– Il… il est coincé entre les dimensions. Sinon, son double serait déjà réapparu ici. Ou lui-même.
– Mais ce n’est pas possible !... Oncle Takashi, Kyosuke était… Il était…
– … notre dernière chance. Oui…
Akane sombra dans le désespoir. Cette soirée, qui avait commencé par une simple invitation à dîner chez Madoka, s’était transformée en cauchemar. La maison tout entière était devenue une prison. Kurumi, désormais inaccessible, libérait petit à petit un pouvoir incontrôlable autour d’elle dont on ignorait l’ampleur. Et Kyosuke, le seul capable de voyager entre les mondes, ne pouvait plus rejoindre l’autre dimension pour trouver une solution à la crise.
Kazuya, d’ordinaire prompt à se moquer de Kyosuke, se trouvait maintenant sans mots pour exprimer sa tristesse. L’absence de son cousin créait en lui un grand vide. Ressentant la détresse de sa grande sœur et de son oncle Takashi, il laissa des larmes couler sur ses joues.
– Cousin Kyosuke, reviens !... s’écria-t-il, la voix pleine de désespoir.
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